L'essentiel icon

L'essentiel

L'info n°1308/07/22

Loi sur la norme salariale
«Nous avons enfin été entendus»


Les parlementaires semblent prendre conscience qu’un statut quo n’est plus possible.

Après le succès de la manifestation, qui a rassemblé 80.000 participants contre la loi sur la norme salariale, les trois syndicats ont enfin pu s’exprimer devant le Parlement le 29 juin dernier. Ils avaient rendu cette audition obligatoire grâce à la pétition signée par plus de 87.000 personnes. Nous ne devons pas attendre de résultat immédiat mais, comme l’a bien résumé Kristof Calvo (Groen), «le génie est sorti de sa bouteille». 

Chris Serroyen

Les trois syndicats disposaient d’un temps de parole global de 45 minutes pour mettre en pièces la loi actuelle sur la norme salariale et présenter leurs propositions en vue d’une réforme approfondie. Pour la CSC, notre président, Marc Leemans, et notre secrétaire générale, Marie-Hélène Ska, ont pris la parole. Vous connaissez sans nul doute notre ligne de conduite: «Nous devons revenir à une norme salariale indicative, qui respecte le droit à des négociations collectives libres. C’est d’ailleurs l’une des normes du travail fondamentales de l’Organisation internationale du travail.»

«Nous pouvons tenir compte ici de l’évolution du coût salarial dans les pays voisins mais la comparaison doit être correcte. Elle ne peut pas être basée sur un logiciel truqué. Nous ne pouvons pas partir uniquement du coût salarial. Il faut prendre en compte tous les facteurs importants pour la compétitivité.» Nous avons étayé ce plaidoyer avec des chiffres précis. Ces chiffres montrent que l’écart salarial présumé avec les pays voisins a été éliminé depuis longtemps et que, de manière globale, les entreprises continuent à engranger de très bons bénéfices, mais aussi que la part de l’augmentation du bien-être qui revient aux travailleurs continue à rétrécir.

Un jeu prévisible

Les politiciens des partis de droite ne s’étaient clairement pas attendus à un tel plaidoyer chiffré et étayé. Ils n’ont dès lors pas été en capacité de riposter. La N-VA a bien mis en avant le chiffre de la FEB, selon lequel notre coût salarial horaire serait 10% plus élevé que chez nos voisins, mais nous avons rapidement pu corriger. Ce n’est pas ce que l’on coûte par heure mais bien ce que l’on rapporte par heure qui est déterminant pour la compétitivité. Sans oublier que l’on peut se demander si ce pourcentage a été calculé correctement. 

Pour le reste, le débat était relativement prévisible. Les partis de gauche du gouvernement sont fondamentalement d’accord sur le fait que la loi doit être réformée mais ils sont bloqués par l’accord de gouvernement. Le PTB-PVDA met ces partis au défi de constituer une majorité alternative. Le MR et l’Open VLD campent sur leurs positions: ils menacent, en cas de réforme de la loi sur la norme salariale, de remettre en cause l’indexation. La N-VA a suivi la même ligne que les partis libéraux. Il restait à voir comment le Vlaams Belang allait se positionner. «En 1996, nous avons voté contre la loi sur la norme salariale», ont-ils affirmé, en oubliant de dire qu’en 2017, sur les bancs de l’opposition, ils avaient pleinement soutenu le durcissement de cette loi. Pendant l’audition, ils ne se sont pas prononcés en faveur d’une réforme de la loi.

Notre principal constat reste néanmoins que nous n’avons pas assisté à un dialogue de sourds.

Manœuvres de diversion

Comme prévu, les tentatives de diversion se sont multipliées: «Avec la crise du Covid, la guerre en Ukraine et l’inflation élevée, est-ce le bon moment?», «Ne faut-il pas plutôt augmenter le pouvoir d’achat par le biais d’une réforme fiscale, pour avoir plus en net et pas en brut?», «Pourquoi n’essayez-vous pas d’abord de trouver une solution entre interlocuteurs sociaux?», ou encore «Ne devrions-nous pas prendre le temps de mener un débat en profondeur, avec des auditions supplémentaires?». Message sous-jacent: grâce à nos efforts pour rassembler 87.000 signatures, les employeurs vont aussi obtenir une audition. Nous avions prévu toutes ces réactions. 

Deux nouveaux accents ont toutefois été mis en avant lors du débat avec les parlementaires. «Pourquoi ne pas aller vers une indexation sous la forme d’un montant fixe plutôt que d’un pourcentage? Avec l’indexation en pourcentage, un travailleur dont le salaire est élevé obtient davantage.» Nous avons dû rappeler aux politiques que personne ne s’enrichit avec l’indexation. Elle protège uniquement contre une perte de pouvoir d’achat. 

La redistribution est un objectif noble, mais elle passe par la fiscalité et par des augmentations en brut au-delà de l’indexation. Aucun des parlementaires présents n’avait d’ailleurs compris que les seuls gagnants d’une telle indexation sous la forme de montants fixes, ce sont les employeurs. Et, de surcroît, les plus grands gagnants parmi eux sont souvent ceux qui disposent des plus grands marges pour des augmentations salariales.

La deuxième nouveauté en termes de manœuvres de diversion était la suivante: «Que pensez-vous d’une indexation plus rapide pour tout le monde, comme nous la connaissons pour les allocations sociales et les fonctionnaires? Les travailleurs ne doivent ainsi plus attendre un an, comme le prévoient les conventions de certains secteurs.» Il s’agit là d’un tournant intéressant, après trente cinq ans de pression ininterrompue pour ralentir l’indexation. Notre réponse a été identique. L’indexation protège uniquement contre l’appauvrissement et ne permet pas de redistribuer le bien-être. La redistribution doit passer par des augmentations au-delà de l’index.

Prise de conscience

Notre principal constat reste néanmoins que nous n’avons pas assisté à un dialogue de sourds. Nous sentons que, sur différents bancs parlementaires, on prend de plus en plus conscience qu’un statu quo n’est plus possible et qu’il faut rouvrir le débat. Nathalie Muylle (CD&V) a d’ailleurs souligné que des mesures devront être prises pour compenser la baisse de la part du bien-être qui revient aux travailleurs. La manière dont le débat sera mené au Parlement n’est toutefois pas encore claire. Dans un premier temps, un rapport du débat va être établi. Le Parlement réfléchira ensuite à la manière d’organiser les travaux. Notre premier objectif sera de maintenir l’attention sur ce débat, même si ce sera probablement pour l’automne.

Le deal pour l’emploi peut être soumis au Parlement

Le gouvernement a finalisé le texte définitif du projet de loi relatif au deal pour l’emploi. Il doit maintenant le soumettre au Parlement et espère obtenir son aval avant le 21 juillet.