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L'info n°1308/07/22

«L’aviation restera
un secteur incontournable»


Airbus compte produire 65 A320 par mois d’ici 2025.

Paolo Piccicuto est délégué principal ACV-CSC Metea au siège de la Sonaca, à Gosselies. Il revient sur la zone de turbulence «Covid» que traverse, comme l’ensemble du secteur, cet acteur wallon majeur dans la fabrication et l’assemblage de pièces et d’éléments de structures d’avion. 

Propos recueillis par David Morelli


Comment le Covid a-t-il impacté les activités de la Sonaca?

L’arrêt des vols a impacté tout le secteur aéronautique. Nous avons connu une chute de productivité d’environ 45%, principalement liée à la baisse des activités d’Airbus, notre commanditaire principal. L’apparition du Covid a été très délicat à gérer du fait des frais de retard de livraison très importants que nous risquions de devoir payer. Certains secteurs ont été mis à l’arrêt. La reprise et la réintégration des opérateurs s’est faite progressivement. Aujourd’hui, on tourne à 20-25% en moins de charge, en fonction des secteurs.

Quel a été l’impact sur le personnel?

Au niveau organisationnel, on est passé de trois à deux pauses que l’on a décalées pour éviter le croisement des équipes. On a été particulièrement vigilant car on ne pouvait pas se permettre de ne pas livrer. Un cluster en chaîne de montage aurait été catastrophique. Plus largement, le chômage temporaire a réussi à limiter la casse. On a associé ces mesures à un plan de départ – le plan «grenier» - à la retraite anticipée avec des incitants intéressants. Ce plan nous a sauvé de la restructuration.

Comment le Covid a-t-il impacté LMI Aerospace, la filiale américaine du groupe? 

Aux USA, il n’y a pas de protection sociale et les travailleurs ne sont pas liés par des contrats comme ici. Il y a eu des licenciements secs et massifs: près de 1.000 personnes.

Les effets de la transition écologique se font-ils déjà sentir? 

On s’oriente vers des matériaux plus verts avec beaucoup de carbone. Le bureau d’étude de la Sonaca travaille actuellement sur de nombreux projets qui permettront de produire des ailes plus légères. On développe, par exemple, de nouveaux volets et bords d’attaque qui permettront de réduire leur impact environnemental grâce à l’utilisation de matériaux composites. Un nouveau système de dégivrage électrique des bords d’attaque est également en développement.

NOUS AVONS CONNU UNE CHUTE DE PRODUCTIVITÉ D’ENVIRON 45%.

La transition écologique met-elle l’emploi en danger?

Un bord d’attaque, c’est beaucoup de travail manuel. Mais le développement de l’utilisation du carbone en une seule pièce pourrait, à long terme, impacter l’activité de rivetage. Mais on prépare l’avenir, entre autres, via des formations. On a, par exemple, investi il y a quelques années avec l’Onem dans une machine où on peut couler du carbone. L’Onem envoie des personnes se former chez nous.

Comment voyez-vous le secteur dans dix ans?

Cette année 2022 est une année très difficile. La reprise, on peut l’envisager en 2024-2025. Des milliers d’avions vont être produits dans l’avenir. Airbus, par exemple, compte produire, d’ici 2025, soixante-cinq A320 par mois. C’est un chiffre énorme. Toutes les pièces élémentaires et les grosses pièces sont développées et fabriquées chez nous. Le secteur change, mais l’aviation restera incontournable.

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