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L'info n°1308/07/22

Burnsen-Atlantic Seneffe

Un nouveau management autoritaire basé sur la menace et la peur

Les choses ont bien changé chez Burnsen depuis le rachat en 2018 de ACV Burnsen par le groupe français Atlantic.

Gérard Scheepmans

Cette entreprise d’origine vendéenne qui est devenue un groupe international se présente comme «LE» spécialiste européen des systèmes de chauffage et de climatisation. Atlantic figure aujourd’hui parmi les 500 principaux groupes français. Cette entreprise est née à la fin des années 60 de l'amitié de deux ingénieurs, Paul Radat et Pierre Lamour, qui se partagent à l'époque les rênes d'un site de fabrication de lave-linge situé à La Roche-sur-Yon (des machines vendues sous la marque Atlantic) qui appartenait à la société Esswein.

C’est en 1972 que les deux hommes jettent les bases du futur groupe Atlantic. À l'époque, EDF avait des kilowatts produits par le nucléaire à ne plus savoir qu'en faire. Par conséquent, appuyés par EDF, Ils se sont lancés dans le chauffage électrique. Puis, après un incendie, le site reconstruit sera consacré à la production de chauffe-eau électriques. C'est là qu’a commencé le véritable développement du groupe Atlantic. Une gestion très rigoureuse et musclée sera mise en place pour assurer à l'entreprise une croissance organique soutenue qui permettra de dégager les moyens suffisants pour autofinancer sa croissance qui sera principalement externe. Car le développement du groupe Atlantic s’est fait principalement sur la base d'opportunités.

Contrairement à ACV Burnsen, l’entreprise belge de fabrication de chaudières et de ballons, Atlantic ne s’est pas construite de façon industrielle en développant elle-même ses propres techniques et produits, mais bien de façon commerciale, via des rachats d’autres entreprises. Une véritable politique d'acquisition qui obéit à une volonté de récupérer les savoir-faire techniques et les parts de marché d’autres entreprises sera développée. Après le rachat d’entreprises en Egypte, Ukraine, Autriche et Angleterre, Atlantic trouvera des opportunités pour s’implanter aussi en Géorgie, en Thaïlande et enfin en Belgique, avec le rachat d’ACV Burnsen et surtout son réseau de distribution et de clients bien développé aux États-Unis.

Une histoire qui explique peut-être la méthode

L’histoire du développement du groupe Atlantic explique sans doute la méthode «colonialiste» de management qui est mise en place pour gérer le personnel de l’ex-ACV Burnsen.

Après une présentation sous des abords sympathiques, la nouvelle direction s’est rapidement débarrassée de l’ancien management et a commencé à imposer sa politique et ses méthodes autoritaires qui ne laissent aucune place à une véritable concertation sociale et aux compromis dans les choix et décisions. Cette façon de faire a abouti à un long conflit social pendant lequel tous les moyens ont été utilisés par la direction pour diviser les travailleurs et «mater» leurs représentants syndicaux: mensonges, attaques personnelles, menaces, envois de courriers individuels de désinformation à chaque travailleur… Et, après avoir «écrasé» ce conflit (sans accepter le moindre recours aux moyens de conciliation développés par les interlocuteurs sociaux pour aider à régler les problèmes dans les entreprises), la chasse a été ouverte à tout travailleur qui n’obéit pas aux ordres ou ne respecte pas à la lettre les avis et circulaires décidés et rédigés unilatéralement par la direction. Informations impératives, reproches multiples et incessants, avertissements verbaux et écrits, mises à pied, retenue sur salaire et licenciement (parfois même sous le prétexte d’une faute grave non fondée)… Tout est bon pour sanctionner les travailleurs qui ne rentrent pas dans le modèle voulu par Atlantic et les faire marcher au pas!

Un simulacre de concertation sociale organisé depuis fin 2021

Suite au conflit ouvrier particulièrement dur de l’été 2021, les responsables des organisations syndicales ont tenté de relancer un dialogue social. Pour ce faire, ils ont été d’accord d’aborder les deux sujets qui étaient présentés comme primordiaux par la direction: la fixations des jours de fermeture de l’entreprise (qui n’avait pas pu se faire via le conseil d’entreprise) et la CCT 90. Ces deux sujets ont donc été discutés. Les marges de manœuvre pour modifier ce qui était proposé par la direction étaient très minces. Nos demandes pour rendre plus conséquent l’avantage que pourrait procurer la CCT 90 au personnel n’ont pas du tout été entendues. Les résultats de ces discussions ont finalement été présentés au personnel de l’entreprise pour acceptation ou refus dans des assemblées générales séparées en fonction des deux statuts (ouvriers et employés). Les décisions démocratiquement prises par les travailleurs qui en sont ressorties étaient différentes: un OUI majoritaire pour les employés et un NON majoritaire chez les ouvriers. Ainsi s’est terminée la pénible année 2021.

La loi ici, c’est nous!

En 2022, l’équipe syndicale des employés CNE espérait bien poursuivre sur la lancée de ces accords acceptés pour reconstruire un véritable dialogue social avec la direction, notamment en abordant le contenu de règles et notes de service établies par cette dernière et proposer des adaptations afin de les rendre mieux applicables et, pour certains points précis, respectueuses des lois et des règles sectorielles. Quatre réunions se sont tenues en trois mois ainsi qu’une présentation de la situation économique et financière de l’entreprise. Un travail important d’analyse a été réalisé sur trois notes de la direction et des propositions constructives concrètes ont été présentées. Mais, malheureusement, les réponses reçues ont toutes été de la même trempe. Elles peuvent se résumer en ces termes: c’est nous la direction, ce sont nos notes et nous ne souhaitons pas modifier le contenu ni tenir compte de vos propositions. Bref, en d’autres termes, la loi ici, c’est nous!

Quant à la présentation de la situation de l’entreprise qui a été projetée et commentée, la direction refuse de la transmettre, de même que le fameux calcul de l’efficience du personnel sur lequel elle dit vouloir se baser pour prendre de grandes décisions pour l’avenir du site de Seneffe.

Et maintenant, on fait quoi?

Vous l’aurez compris: bonjour l’ambiance et la concertation sociale chez Burnsen! 

Nous vous éviterons les détails sur les éléments de formes, les multiples provocations et humiliations subies par les représentants syndicaux, tantôt sur un ton agressif et provocateur, tantôt avec un ton condescendant ou infantilisant…

Ce comportement ne semble pas se limiter aux seules réunions avec la délégation des employés d’ailleurs. Du coté des ouvriers, c’est peut-être même pire.

Dès lors, dans ces conditions, les organisations syndicales n’ont pas eu d’autre choix que de sortir de la stérile concertation interne en entreprise qui s’est avérée être une perte de temps. Elles ont interpellé le ministère des Lois sociales ainsi que les organes sectoriels de concertation pour tenter de trouver des solutions concertées et respectueuses de la loi. Et des actions en justice sont aussi en préparation. Nous regrettons que la situation en soit arrivée là car cela n’améliore pas les relations et l’ambiance au travail.

(1) Cet article reprend de très larges extraits de l’article de Gérald Scheepmans, Permanent CSC Charleroi, publié dans le numéro d’avril 2022 de «Faut le Fer!», le périodique d’informations du Comité fabrications métalliques de la CNE Hainaut.