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L'info n°177/10/22

Accord sur la pension minimum: aucun gagnant!


Le montant de la pension minimum reste calculé sur 45 années de carrière.

Pour la CSC, l’accord sur la réforme des pensions décidé par le gouvernement cet été (lire L’Info n°15) ne répond pas aux attentes des travailleurs et, surtout, des travailleuses. Anne Léonard, secrétaire nationale de la CSC en charge du dossier pensions, analyse cet accord.

Propos recueillis par Donatienne Coppieters

L’instauration de la pension minimum conditionnée à 20 ans de travail effectif est-elle positive?

Quand le gouvernement déclare «Nous avons voulu valoriser le travail effectif», c’est un premier mensonge. Ce qu’il a voulu faire en premier lieu, c’est de déforcer les périodes assimilées, notamment les périodes de chômage. La condition de 20 ans de travail effectif implique que quelqu’un qui travaille à mi-temps doit justifier de 40 ans de travail pour accéder à la pension minimum. Dans ces 20 années de travail effectif sont assimilées des périodes de maladie pour 5 années maximum et de handicap et les repos d’accouchement. Mais les pauses carrière, les congés parentaux ou les réductions de temps de travail ne sont pas non plus assimilées. Le gouvernement laisse sous-entendre qu’il y a des périodes qu’il est légitime d’assimiler et qu’il y en a de mauvaises qui ne sont pas justifiées comme, par exemple, les périodes de chômage.

Par l’introduction d’une condition de carrière effective, toute une série de personnes n’auront plus droit à la pension minimum, alors que la mesure d’augmenter la pension minimum visait justement à lutter contre la précarité des pensionnées et des pensionnés. L’impact pour les femmes sera donc probablement important.

Le deuxième mensonge, c’est que ce n’est pas en introduisant une condition de 20 années de travail effectif que l’on améliore le montant des pensions et la situation des futurs pensionnés. Le montant de la pension minimum reste calculé sur 45 années de carrière.

Pour faire passer la pilule, le gouvernement s’est accordé pour que les périodes de travail prestées à 4/5e soient assimilées à un temps plein. Mais le problème, c’est que cette mesure ne concerne que les périodes avant 2001 et pour maximum cinq ans. Il n’y a donc aucune amélioration. Au contraire, c’est une attaque contre les périodes assimilées et il y aura des perdantes!

Que pense la CSC de la réintroduction du bonus pension?

Le bonus pension avait été purement et simplement supprimé lors du gouvernement précédent. La CSC n’a jamais demandé sa suppression. Le fait de le réintroduire n’est pas une mauvaise chose en soi. Mais des études montrent qu’il est essentiellement lié à un effet d’aubaine et n’est pas un incitant pour les travailleuses et les travailleurs à prolonger leur carrière au-delà de l’âge auquel ils auraient eu droit à la pension anticipée ou l’âge légal de la pension.

Y a-t-il des éléments positifs à retenir de cet accord?

Non, aucun. Au contraire, nous avions demandé au gouvernement d’être très attentif, notamment à l’impact genré de l’introduction d’une condition de carrière effective pour avoir droit à la pension minimum. Il a pris cette décision sans en connaître l’impact. Nous avons demandé aux administrations de mesurer l’impact sur les femmes et sur les futurs pensionnés de la décision du 19 juillet. Nous n’en disposons pas encore. L’accord ne traite pas non plus de la pénibilité des métiers. Il était aussi question d’une pension anticipée après 42 ans de carrière. Le gouvernement n’a pris aucune décision par rapport à ces éléments. Il propose que les interlocuteurs sociaux prennent ce dossier-là en charge aussi, et leur renvoie donc énormément de discussions qu’ils n’ont pas voulu mener au sein du gouvernement. En surplus, cet accord ne trace aucune vision prospective de notre système de pensions. Aucune perspective pour les jeunes qui enchaînent les contrats d’étudiant, sans que ceux-ci ne leur ouvrent des droits en matière de pension.

Par l’introduction d’une condition de carrière effective, toute une série de personnes n’auront plus droit à la pension minimum.

Au niveau des fins de carrières, il n’y a rien de nouveau non plus. La CSC continue-t-elle à revendiquer des choses à ce sujet?

La CSC continue à dire que les pensions ne se discutent pas qu’au moment de l’âge légal de la pension et qu’il faut l’envisager tout au long la carrière. Nous continuons entre autres à mettre en avant le plan 55-60-651, une liaison automatique au bien-être des pensions, et une revalorisation des pensions par une révision des plafonds et des modes de calcul.

Le plafond, c’est le fait que chaque année, nos salaires ne sont pris en compte que pour un maximum de 60.000 euros plus ou moins et, au-delà, on ne se constitue plus de droits en matière de pension.

Nous estimons que si on mettait en place un plafonnement sur l’ensemble de la carrière, cela aurait pour effet de mieux lisser les rémunérations sur la carrière et donc d’aussi les valoriser dans le calcul de la pension pour avoir de meilleures pensions. Nous pensons aussi que les pensions devraient être calculées sur 40 années de carrière pour mieux coller à la réalité du monde du travail.

Quelles sont les prochaines étapes de la réforme des pensions?

Les interlocuteurs sociaux sont maintenant chargés par le gouvernement de discuter de trois dossiers: la soutenabilité sociale et financière du système, la généralisation des pensions complémentaires et la prise en compte de la dimension familiale dans les pensions. Une commission mixte Pension, composée de représentants des employeurs et des organisations syndicales, s’est constituée pour mener ces discussions. Nous devrions rendre le résultat de nos premiers travaux pour la fin décembre. 

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