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L'info n°1223/06/23

Projet de «loi anti-casseurs»: une attaque en règle contre les corps intermédiaires


Six cents militants étaient rassemblés devant le cabinet du ministre.

Six cents personnes se sont rassemblées devant le cabinet du ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne, pour marquer leur opposition à son projet de loi.

David Morelli

Le 7 juin dernier, le projet de loi visant à rendre la justice «plus humaine, plus rapide et plus ferme» devait être présenté en Commission Justice de la Chambre. En amont de ce débat parlementaire, les trois syndicats et plusieurs organisations de la société civile ont organisé un rassemblement devant le cabinet du ministre de la Justice. L’objectif: exiger le retrait de la disposition qui contient une interdiction judiciaire de manifester. «La loi prévoit sans distinction que tout qui défend une revendication collective est éventuellement punissable d’une interdiction de manifester de trois ans s’il y a dégradation de l’image d’entreprise ou de biens privés. C’est une mise en avant de la propriété privée et des intérêts économiques par rapport à la capacité de se mobiliser collectivement, et une atteinte grave et disproportionnée à la liberté de manifestation, explique Marie-Hélène Ska, secrétaire générale de la CSC. Il s’agit d’une volonté de criminaliser encore un peu plus l’action collective. Et cela, nous ne pouvons pas l’accepter».

En effet, si le but affiché est d’empêcher les «casseurs» déjà punis par la loi pour des faits commis dans des «rassemblements revendicatifs» de participer à d’autres manifestations, le texte, très flou, pourrait nuire à la liberté d’expression des mouvements sociaux dans leur ensemble (à lire dans L’Info n°11).

Il s’agit là d’une atteinte grave et disproportionnée
à la liberté de manifestation.

Une loi destinée à faire peur

Parmi les participants transparaît un mélange de crainte, de colère, mais aussi de résolution. «99,99% des participants [à des manifestations] sont des personnes qui veulent revendiquer et manifester leur droit à s’exprimer. Faire une loi pour les 0,01% de casseurs? Il suffit simplement d’avoir des forces de l’ordre qui puissent les canaliser. Nous continuerons de toute façon à nous exprimer. Même avec une loi, on ne nous bâillonnera pas», déclare Michel Duby, permanent CNE Namur-Luxembourg.

«On vit des moments vraiment très difficiles au niveau démocratique, regrette quant à lui Aoulad Ali Abdelkader, délégué A&S dans le secteur du nettoyage. Avec cette loi, on se sent en danger. Elle est destinée à faire peur.» Pour Lahoucine Ourhribel, secrétaire général CSC Metea, «il devient de plus en plus difficile de faire un piquet devant une entreprise pour des travailleurs qui réclament leurs droits. Même ça, ce n’est plus possible aujourd’hui. Où vont s’arrêter les partis de droite dans l’anéantissement des libertés syndicales?».

Appel au dialogue

Un autre rassemblement se tenait au même moment devant le tribunal de Bruges, à l’occasion du procès de quatorze militants de Greenpeace, poursuivis pour avoir mené une action pacifique dans le port de Zeebruges. «Dans une démocratie en tension, il est plus important que jamais que des organisations qui portent des revendications collectives puissent le faire, analyse Marie-Hélène Ska. C’est une invitation au dialogue, et c’est dans ce sens que nous nous mobilisons, en disant non à la répression et à l’interdiction de se mobiliser. Il faut entrer en dialogue pour regarder ce qui, aujourd’hui, pose problème dans le monde du travail et ailleurs.»

Ce rassemblement aura permis d’empêcher la discussion du projet de loi en Commission de la justice, et forcé le gouvernement à revoir sa copie (à lire en page suivante).