Arrêt Essers: une décision qui change tout
La condamnation de la société de transport Essers fera date dans la lutte contre le dumping social en Belgique.
David Morelli
La Cour du travail belge a confirmé la décision de la justice roumaine, en faveur du travailleur.
«C’est sans doute le début de la fin de l’esclavagisme moderne dans le transport routier!». Voilà la déclaration de Roberto Parrillo, responsable général Transport et Logistique à la CSC Transcom, pour commenter l’annonce de la condamnation de la société de transport Essers. Ces mots traduisent l’importance de l’arrêt rendu par la justice dans le combat continu contre le dumping social.
La société Essers, la plus grosse entreprise de transport et de logistique en Belgique, emploie quelque 3.000 travailleurs. En 2010, Stefan Popescu, de nationalité roumaine, est embauché comme routier international par une filiale roumaine du transporteur belge. Mais dès son entrée en activité, il est basé à Genk. Pendant près de cinq ans, il met toute son énergie dans son travail, pour un salaire d’à peine 300 euros par mois, c’est-à-dire un salaire roumain. Celui-ci est nettement inférieur à celui dont il devrait bénéficier comme «détaché» en Belgique. Face au rejet de ses demandes d’obtenir un contrat belge, le chauffeur décide de porter l’affaire devant les tribunaux de son pays.
En 2019, la justice roumaine reconnaît qu’il travaille principalement en Belgique, et que le contrat entre Essers Belgique et Essers Roumanie est un simulacre. À l’issue de cette décision, la Cour du travail belge est saisie d’un recours, avec l’appui de la CSC Transcom. Le 22 juin dernier, la Cour du travail d’Anvers confirme la décision roumaine: Stefan Popescu bénéficiait bien de la protection du droit du travail en Belgique, et devait de ce fait percevoir un salaire adapté. Il percevra l’entièreté de ses arriérés de salaire.
“Cette décision assoit le rôle déterminant de notre centrale aux côtés des travailleurs du transport.”
«Ce jugement est très important, en premier lieu pour le chauffeur concerné, se félicite Koen Ryckenboer, responsable général Transport et Logistique de la CSC Transcom. Mais il ouvre aussi une voie royale à tous ses collègues étrangers occupés principalement en Belgique, mais qui ont un contrat dans leur pays d’origine, et donc un salaire inférieur. Cette décision peut leur permettre de s’adresser à l’avenir à un tribunal belge pour réclamer leur salaire légitime.» Cet arrêt, qui va faire jurisprudence, constitue un nouveau pas déterminant dans la lutte contre le dumping social. Pour Roberto Parrillo, «un conducteur soutenu par la CSC Transcom l’emporte face à un groupe au poids économique considérable. Comme quoi, le pot de fer ne brise pas toujours de pot de terre. Cela assoit le rôle déterminant de notre centrale aux côtés de tous les travailleurs du transport».
Après la condamnation du groupe Jost, cette victoire constitue une percée juridique dans la lutte contre le dumping et la fraude sociale. Sur le plan politique, la CSC Transcom va aller à la rencontre des ministres en charge du transport et de l’emploi pour leur demander de veiller au respect et à l’application du droit belge dans le secteur du transport. Elle agira aussi au niveau européen. Enfin, la CSC Transcom mènera également une large campagne d’information dans les entreprises de transport pour faire connaître aux travailleurs la teneur de la décision judiciaire, et les perspectives qu’elle ouvre.
© Pierre Rousseau – Belpress.com