Diverses mesures ont été prises par le gouvernement pour promouvoir une participation active du travailleur et de l’employeur au trajet de réintégration. Comment les travailleurs en incapacité sont-ils informés des possibilités de reprise du travail? Et quelles sont les sanctions?
D.Mo.
Si l’information sur les possibilités de reprise du travail n’est pas critiquable en soi, la pression mise sur le travailleur en incapacité pose par contre question. En effet, un travailleur malade va recevoir régulièrement des sollicitations de la médecine du travail, de la mutuelle, du Forem, etc., lui expliquant qu’il est positif de reprendre le travail, de faire un trajet de réintégration, ou pour lui faire remplir un questionnaire. «Ce n’est pas facile à gérer, par exemple lorsque l’on est en arrêt maladie pour burn-out et qu’on a besoin d’une coupure pour se reconstruire, explique Laurent Lorthioir. On est vraiment dans un principe de traque, et c’est inquiétant pour les travailleurs malades. La situation est encore plus aiguë pour les travailleurs isolés, dans les entreprises où il n’y a pas de représentation syndicale pour expliquer le processus et répondre aux questions.»
Par ailleurs, derrière le vocable gouvernemental de «responsabilisation» se trouve également une politique de sanctions. Après trois mois d’incapacité, le travailleur reçoit un questionnaire de la mutuelle à renvoyer dans les deux semaines. Il sera ensuite éventuellement convoqué par le coordinateur CRT. S’il ne répond pas à ses sollicitations, il perdra 2,5% de son allocation jusqu’à ce qu’il y réponde positivement. «Quid d’un travailleur qui n’est pas capable de répondre aux questions pour raison médicale, de méconnaissance de la langue ou de difficultés à répondre à certaines questions?», s’interroge Laurent Lorthioir. Il faut également noter que l’employeur peut aussi être sanctionné si la moyenne de malades de longue durée de son entreprise dépasse la moyenne nationale et sectorielle. Mais cette moyenne, calculée de manière assez favorable aux employeurs, ne tient pas compte de tous les travailleurs malades.
ON EST DANS UN PRINCIPE DE TRAQUE DES TRAVAILLEURS MALADES.
Un grand nombre de collègues tombent malades au travail et restent absents pendant une longue période. Il est difficile d’inciter l’employeur à engager la concertation sociale sur les causes de ces absences (une charge de travail trop importante, par exemple) et sur la façon d’y remédier. L’employeur peut-il dès lors se voir infliger une amende?
M. Hermans, exp. bien-être au travail CSC
Il se peut qu’à cette période-ci de l’année, l’employeur reçoive une amende parce qu’un trop grand nombre de ses travailleurs sont tombés malades et sont absents depuis plus d’un an. C’est la conséquence d’une mesure qui est entrée en vigueur en janvier 2023, et qui a pour objectif de faire baisser le nombre de malades de longue durée.
Les entreprises où la part des travailleurs malades de longue durée est supérieure à la moyenne doivent, après avoir reçu un avertissement, payer une «cotisation de responsabilisation» de 0,625% de la masse salariale. Cette mesure est indépendante d’autres critères, comme la présence d’une politique de prévention. Le produit de cette cotisation de solidarité sera utilisé pour financer des initiatives (sectorielles) sur le lieu de travail visant à lutter contre les absences de longue durée pour cause de maladie. Cette mesure ne s’applique qu’aux entreprises comptant plus de cinquante travailleurs. Il faut également savoir que tous les malades ne sont pas comptabilisés, tels que les travailleurs de plus de 55 ans. D’après les données les plus récentes, près de 500 employeurs ont déjà reçu une lettre les avertissant que le nombre de malades de longue durée est trop élevé dans leur entreprise, et environ 200 d’entre eux devraient payer la cotisation de solidarisation après le trimestre actuel (avril-juin 2023).