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L'info n°1307/07/23

Genève La Conférence internationale du travail dans un monde à la dérive

La CSC était présente à la Conférence internationale du travail qui s’est tenue à Genève en juin dernier. Les délégations des 187 pays membres de l’Organisation internationale du travail (OIT), composées de représentants du gouvernement et des interlocuteurs sociaux nationaux, y ont traité des questions relatives au travail dans le monde.

Chris Serroyen et Stijn Sintubin


Les délégations des pays membres de l’OIT se sont réunies à Genève.

Tout a commencé par le choix du Qatar pour présider la conférence de cette année. Pour rappel, de graves violations des droits universels du travail y ont été révélées à l’occasion de l’organisation de la Coupe du monde de football. Les pressions exercées par le mouvement syndical international et par l’OIT ont certes permis d’obtenir des changements, mais ceux-ci restent clairement insuffisants. Les footballeurs ayant quitté le pays, de nouvelles détériorations sont à craindre. Plutôt que de faire un scandale autour de cette présidence comme l’ont demandé certains syndicats, notre coupole syndicale internationale a exigé, à la veille de la conférence, que le Qatar prenne de nouveaux engagements en matière de protection du travail. Ce fut une belle réussite.

Un tabou: la diversité de genre

L’approbation du nouveau budget a déclenché une crise sans précédent. Une partie des pays arabes et africains refusent en effet que l’OIT travaille sur l’inclusion des personnes LGBTQIA+ dans le monde du travail. Cette tendance dangereuse est aussi constatée dans d’autres parties du monde, y compris en Europe. Comme moyen de pression, les pays réfractaires menaçaient de bloquer le budget pour 2024-2025. Des discussions très pénibles ont permis de débloquer ce sujet, mais ce débat polarisé n’est pas terminé pour autant.

Un nouveau paria: la Biélorussie

En Biélorussie, le plus fidèle allié de la Russie, le syndicalisme libre est devenu impossible: une série de dirigeants syndicaux ont été condamnés ou mis en prison. La Biélorussie refusant toute coopération, la question s’est posée de prendre des sanctions plus contraignantes, sur la base de l’article 33 des statuts de l’OIT. Historiquement, cet article n’a été utilisé qu’une seule fois. La guerre en Ukraine a donc eu un impact sur la conférence. Elle a également fait évoluer les relations géopolitiques, un grand nombre de pays refusant de critiquer la Russie. Heureusement, des avancées ont également pu être faites dans ce domaine-là.

La guerre en Ukraine a eu un impact sur la conférence, et a fait évoluer les relations géopolitiques.

Un travail acharné dans les différentes commissions?

Comme chaque année, la Commission de l’application des normes – au sein de laquelle Marc Leemans, président de la CSC, dirige le groupe des travailleurs – devait examiner les cas d’une série de pays. Certains d’entre eux ont fait l’objet de vives critiques, comme le Royaume-Uni, en raison de la violation des droits syndicaux, et l’Italie de Meloni, en raison de sa politique migratoire. Des reproches ont été formulés concernant l’inspection du travail en Italie, qui ne contrôlerait pas suffisamment le recours à la migration économique dans le secteur agricole.

Dans le contexte du réchauffement climatique, mais en lien avec la rapidité des évolutions industrielles et technologiques, une autre commission a étudié quel rôle l’OIT doit y jouer. Si un accord avait déjà été conclu sur la nécessité d’une transition juste (c’est-à-dire le besoin absolu de prendre des mesures pour les travailleurs touchés par l’impact des mutations climatiques), des avancées supplémentaires ont été obtenues, après des négociations particulièrement âpres. Les États-membres se sont vus recommander de prendre de réelles mesures afin de mettre cette transition juste en pratique.

Nouvelle norme internationale

Lors de chaque conférence annuelle, une commission détaille les recommandations pour l’atteinte d’un des objectifs stratégiques de l’OIT. Cette année, il s’agissait de la protection du travail. L’OIT a ainsi été chargée de nouvelles missions, qui consistent à poursuivre le travail sur le thème des salaires minimums, des temps de travail excessifs, des contrats précaires, mais aussi de l’intelligence artificielle. La commission chargée d’étudier les contrats d’apprentissage a cependant fourni un travail beaucoup plus concret, et a adopté en deuxième lecture une nouvelle norme de l’OIT. Nelis Jespers, des Jong ACV (équivalent des Jeunes CSC), très impliqué dans les travaux de cette commission, en a fait un compte-rendu, à lire ci-après.


© Jean-Pierre Pouteau