Victoire amère pour trois livreurs Uber Eats
Au terme d’un recours auprès de la Commission relations de travail (CRT), trois livreurs d’Uber Eats ont été reconnus comme salariés plutôt que comme indépendants. La plateforme a demandé la suspension de cette décision au Tribunal du Travail, mais ne l’a pas obtenue. Résultat: ils ont été licenciés par la plateforme. United Freelancers dénonce cette situation.
David Morelli
Début 2024, trois livreurs d’Uber Eats avaient saisi la CRT pour qu’une décision soit prise quant à leur statut. Depuis le 1er janvier 2023, une nouvelle loi présume en effet le statut de salarié aux travailleurs de certaines plateformes. À la lumière de cette nouvelle loi, la CRT a décidé que ces livreurs étaient bien dans une relation de travail salariée. Uber, contestant cette décision, a demandé sa suspension au tribunal du travail de Bruxelles dans l’attente du jugement de l’affaire sur le fond. Le 22 novembre dernier, le tribunal a refusé cette suspension, obligeant dès lors la plateforme à appliquer le droit du travail à ces travailleurs.
Cependant, «Uber a immédiatement envoyé aux trois livreurs un courriel annonçant leur licenciement avec effet immédiat. Et sans aucune indemnité!», s’insurge Martin Willems, responsable United Freelancers à la CSC. L’entreprise américaine a en effet préféré cesser sa collaboration plutôt que d’assumer ses responsabilités d’employeur. «La procédure judiciaire déterminera leur statut au moment du licenciement. Si le tribunal reconnaît leur statut de salarié, ils recevront une indemnité de licenciement. Nous demanderons l’application des conditions salariées pour la période durant laquelle ils ont travaillé pour Uber, mais aussi des dédommagements pour avoir été licenciés à cause du recours qu’ils ont introduit auprès de la CRT», détaille Martin Willems. Mais la procédure va encore être très longue…
«La stratégie de Uber est de tout contester et de tirer en longueur les procédures juridiques en attendant d’obtenir le monopole, de créer un état de fait sur lequel il sera très difficile de revenir.» Pendant ce temps, Takeaway, la seule des trois plateformes de livraison de repas en Belgique qui fonctionne sur le régime de salariat, est en difficulté en raison de la concurrence déloyale conséquente au non-respect du statut. «Il serait inconcevable que ce soient les plateformes qui respectent les règles qui soient évincées», conclut M. Willems, qui étrille au passage la responsabilité des autorités publiques dans cette situation: «Il y a une loi très claire en vigueur depuis deux ans. Les travailleurs n’auraient pas dû être obligés d’aller à la CRT pour faire valoir leurs droits.» Ces trois livreurs sont les martyrs de l’attentisme des autorités.
La stratégie de Uber est de tout contester et de tirer en longueur les procédures juridiques en attendant d’obtenir le monopole, de créer un état de fait sur lequel il sera très difficile de revenir.»
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