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L'info n°2120/12/2024

Maisons médicales:

un accès à la santé pour tous

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La CSC wallonne constate de trop grandes inégalités en matière de santé. Présentation de ses revendications en la matière et du rôle que pourrait jouer le développement des «maisons médicales» dans un accès plus juste et solidaire à la première ligne de soins.

David Morelli

Les déterminants sociaux de la santé ont un impact majeur sur la santé d’une population. Comme le mentionnent la CSC wallonne et les Mutualités chrétiennes dans une carte blanche commune1, «selon certaines études, les déterminants sociaux de la santé pèsent autour de 60 à 70% dans l’état de santé d’une population. Le système de soins de santé joue pour 15 à 20%, les derniers 15 à 20% relèvent quant à eux de caractéristiques plus biologiques, propres à chaque personne. Un emploi de qualité, un revenu correct, un logement sain, une alimentation saine, un environnement sain et une mobilité aisée sont des conditions nécessaires pour assurer un bon état de santé». Par ailleurs, bien que le système de soins de santé se veuille universel, dans les faits, il ne profite pas à tout le monde de la même manière.

Renforcer la santé de tous

Dans ce contexte d’inégalités sociales de santé (voir page 5), la CSC wallonne souhaite renforcer de manière concrète la bonne santé pour toutes et tous par le développement des maisons médicales.

«Les maisons médicales ont fait leurs preuves, estime Luca Ciccia, conseiller au service d’études de la CSC. Elles assurent une offre de soins davantage conforme aux besoins des populations, véritablement inclusives pour tous les publics, y compris les plus précaires. C’est, aujourd’hui, l’acteur en matière de soins de première ligne qui accueille le plus les plus pauvres. Les maisons médicales permettent une pratique interdisciplinaire associée à des pratiques de travail communautaire et ne poursuivent pas de but lucratif». Elles permettent par ailleurs une meilleure accessibilité aux soins pour un coût global inférieur.

«La gratuité ne favorise pas la surconsommation, alors que toute la logique du ticket modérateur repose sur cette idée», ajoute à cet égard Luca Ciccia, sur base du constat que la gratuité de ces dispositifs se traduit par une offre de soins plus adaptée. Elle induit en effet une meilleure prise en compte des leviers de la prévention et de la promotion de la santé, et évite le recours inutile à certains médicaments, spécialistes ou soins hospitaliers.

Les propositions de la CSC

De nombreuses propositions formulées par la CSC wallonne permettraient de renforcer l’accès de chacun et chacune à des soins de qualité.

  1. La dénomination officielle «maisons médicales» doit être réservée aux «vraies» maisons médicales.
    «Il s’agit de ne pas créer de confusions avec les “maisons médicales” commerciales, qui pratiquent le forfait mais qui font une sélection de la patientèle à l’inscription, explique le conseiller. Ce terme doit être protégé de tout usage inapproprié, sous peine d’amendes, comme la Région bruxelloise le pratique.» Une fois ce préalable posé, la CSC souhaite la généralisation de la pratique du forfait (voir les avantages de cette pratique dans l’encart en p.6) pour toutes les maisons médicales nouvellement agréées. «Nous sommes conscients que la transformation du système ne pourra être réalisée que de manière progressive. De ce fait, nous acceptons le système à l’acte pratiqué par les maisons médicales déjà agréées, pour autant qu’il s’inscrive dans une dynamique d’extinction progressive», détaille Luca Ciccia. 
  2. Tous les wallons et wallonnes doivent disposer d’un accès proche à une maison médicale.
    L’enveloppe budgétaire doit donc rester ouverte, de sorte que toutes les demandes d’agrément soient acceptées jusqu’à ce que tous les besoins locaux soient rencontrés. Pour les zones rurales les plus éloignées, des systèmes de maisons médicales mobiles doivent pouvoir être soutenus. «La Région wallonne doit planifier cette croissance en répondant prioritairement aux besoins locaux les plus urgents, mais avec pour objectif de couvrir, à terme, tout le territoire». 
  3. Développer les soins à domicile.
    Les services d’aide et de soins à domicile doivent être développés (financement, emploi, formation, attractivité des métiers…), en bonne articulation avec les maisons médicales, dans le cadre d’une vision partenariale de la première ligne de soins intégrée. Ces deux secteurs forment ensemble l’essentiel de l’offre de soins de première ligne. 
  4. Les pouvoirs publics wallons et locaux doivent mettre à disposition des maisons médicales les infrastructures immobilières.
    Les financements doivent davantage prendre en compte les besoins matériels et en équipe de base (support administratif, de gestion, etc.). 
  5. Le caractère interdisciplinaire doit être accentué.
    Une maison médicale doit permettre d’offrir des soins de première ligne intégrant la médecine générale, les soins infirmiers, la kinésithérapie, mais également les soins dentaires, psychologiques, gynécologiques, et tout ce qui participe du travail communautaire et de la prévention et la promotion de la santé. «Les maisons médicales sont encore trop souvent réduites au minimum: des médecins et des infirmiers. Il manque encore souvent des dentistes. Le caractère interdisciplinaire (santé mentale, prévention et travail communautaire, kiné…) doit être accentué. À cet égard, la santé mentale est considérée comme LA priorité par tous les acteurs de la santé». La CSC wallonne invite par ailleurs à penser l’inclusion d’une offre de pharmacie intégrée aux maisons médicales, avec l’ambition aussi de favoriser l’usage de médicaments selon les besoins réels (à l’unité, au forfait, médicaments génériques, etc.). 
  6. La Région wallonne doit sanctionner financièrement les médecins qui installent leurs cabinets dans des zones trop pourvues.
    «Cela va permettre de favoriser une meilleure allocation des ressources humaines disponibles sur l’ensemble du territoire et sur base d’une analyse des besoins. La liberté totale des médecins doit être remise en cause: elle est l’une des causes majeures des inégalités de santé. Il existe par ailleurs des leviers financiers (comme le Fonds Impulseo) pour soutenir l’installation de jeunes médecins généralistes dans des zones peu pourvues.» Dans ce cadre, la CSC wallonne invite la Région wallonne à agir auprès du pouvoir fédéral pour que la pratique du conventionnement contraigne une part plus importante de la patientèle des médecins généralistes et spécialistes. Elle demande également la suppression du ticket modérateur, le rétablissement du tiers payant et l’extension du système au forfait (aux dentistes, psychologues, aides-soignants, sage-femmes, gynécologues…). «Il n’est pas admissible de voir que le système actuel aboutit à de telles différences en matière d’espérance de vie en bonne santé par la cause d’un principe idéologique de liberté des praticiens, commente Luca Ciccia. De manière urgente, la sélectivité des patients opérée par certaines institutions et praticiens ne peut plus être tolérée». 
  7. Une plus grande égalité entre les travailleurs et travailleuses de la santé doit être assurée.
    La CSC wallonne demande d’ailleurs la salarisation progressive de l’ensemble du personnel des maisons médicales. 
  8. Inviter des citoyens à des rendez-vous médicaux gratuits.
    L’agrément de la Région wallonne doit imposer des pratiques volontaristes d’invitation des citoyens à des rendez-vous médicaux gratuits (dentiste et gynécologue), car ceux-ci permettent une amélioration globale des soins et de faire des économies. «Le secteur des big-pharma doit être l’un des principaux acteurs mis à contribution pour assurer cette transformation de notre système de soins, de même que tout ce qui participe de la mauvaise santé des citoyens: agroalimentaire et grande distribution, industries polluantes, etc.», conclut Luca Ciccia.

Que permet le financement «au forfait»?

  • Moins de consommation de médicaments, plus d’alternatives à la médication.
  • Moins de consommation de spécialistes.
  • Moins de recours aux urgences et à la revalidation.
  • Moins d’hospitalisations.


1 Carte blanche publiée dans le journal Le Soir du 17 février 2024, consultable dans la version en ligne de votre journal sur www.linfo-csc.be ou dans l’app gratuite.


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