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L'info n°2120/12/2024

Investir dans la santé… c’est investir dans une Wallonie plus juste et solidaire!

Le prochain gouvernement [texte publié avant les élections régionales, Ndlr] devra investir davantage dans les services de santé de première ligne en Wallonie, en particulier dans les maisons médicales.

I Carte blanche par Marc Becker, secrétaire national de la CSC wallonne et Claude Rolin, président de la Mutualité Chrétienne Francophone & Germanophone, publiée dans Le Soir du 17 février 2024. I

Le système de santé belge est souvent considéré comme étant parmi les meilleurs du monde. Pourtant, sous les radars, ce constat partagé masque une réalité glaçante: les inégalités sociales s'accompagnent d'une inégalité face à la bonne santé et d'une inégalité face à la mort, dans des proportions indignes.

Nos études1 ont ainsi démontré que les personnes vivant dans les quartiers les plus précarisés ont 1,8 fois plus de risque de décéder que celles qui vivent dans les quartiers les plus riches, ont 33% de chances en moins de recourir aux soins dentaires préventifs, ont un risque accru de 70% de ne pas aller chez le dentiste pendant trois années consécutives, ont plus de trois fois plus de risque de séjourner en hôpital psychiatrique, etc.

Si le système de soins de santé se veut universel, dans les faits, il ne profite pas à tout le monde de la même manière. Il faut donc pouvoir l'intensifier de manière proportionnelle en fonction de certains publics et zones géographiques pour renforcer son caractère égalitaire.

Parallèlement, nous savons combien les déterminants sociaux de la santé ont un impact majeur sur la santé d'une population. Selon certaines études, les déterminants sociaux de la santé pèsent autour de 60 à 70% dans l'état de santé d'une population. Le système de soins de santé joue pour 15 à 20%, les derniers 15 à 20% relèvent quant à eux de caractéristiques plus biologiques, propres à chaque personne. Un emploi de qualité, un revenu correct, un logement sain, une alimentation saine, un environnement sain et une mobilité aisée sont des conditions nécessaires pour assurer un bon état de santé.

Investir dans la première ligne d'intervention

Forts de ces deux constats, nous appelons à investir en priorité dans des objectifs de santé publique transcendant et mobilisant l'ensemble des niveaux de pouvoir du pays, en déclinant la santé dans toutes les politiques publiques. Nous appelons, aussi au regard de l'évaluation de la crise Covid, à investir dans la première ligne d'aide, de soins et de prévention de la santé, singulièrement dans les services d'aides et de soins à domicile et dans les maisons médicales. L'objectif est de renforcer l'efficience des politiques de santé, de soutenir le pouvoir de vivre de chacune et chacun et d'optimiser les dépenses de la Sécurité sociale fédérale et de la protection sociale wallonne.

À cet égard, nous attendons de la ministre wallonne en charge de la Santé, et du prochain gouvernement wallon, qu'ils en fassent une priorité d'investissement.

Selon certaines études, les déterminants sociaux de la santé pèsent autour de 60 à 70% dans l'état de santé d'une population.

Nous voudrions ainsi mettre en avant:

  • Un investissement dans l'approche interdisciplinaire et décloisonnée des métiers de la première ligne, et un mécanisme de financement davantage au forfait qu'à l'acte. À cet égard, les maisons médicales au forfait doivent faire l'objet d'une attention particulière et être déployées de manière urgente sur les territoires où les besoins sont les plus criants.
  • Une planification pluriannuelle, au-delà d'une seule législature, des investissements dans les secteurs de l'aide et des soins à domicile (en lien avec l'instauration d'une assurance autonomie) et des maisons médicales agréées, visant tant à proposer une offre suffisante pour couvrir les besoins, qu'à réguler davantage cette offre, afin d'en assurer un accès (géographique, financier, culturel) pour toutes et tous.
  • Une appellation «maison médicale» et une visibilité réservée aux seules structures qui assurent une accessibilité à la fois à des soins préventifs par la pratique communautaire et à des services d'aide et des soins de base de première ligne qui appliquent le tiers payant et les tarifs négociés au sein de l'Inami et qui ont une approche interdisciplinaire (médecine générale, dentisterie, psychologie, gynécologie, soins paramédicaux)2.
  • Un investissement dans les services de prévention et de promotion de la santé, y compris dans les actions déployées par les mutualités et les maisons médicales via des animations communautaires et la participation des bénéficiaires.
  • Un effort pour porter ces enjeux auprès de l'Inami pour mieux soutenir le conventionnement des médecins spécialistes, pour élargir et améliorer le financement au «forfait», et pour sanctionner la sélectivité des patients observée par certains praticiens. 

Enfin, gardons à l'esprit que tout ceci ne sera possible que si les autorités publiques revalorisent l'image et les conditions de travail des métiers clés que sont les infirmiers et infirmières, les aides-soignants, les aides familiales et ménagères, les gardes malades… et les assistants sociaux!





1 Comparaison entre les membres de la MC vivant dans les secteurs statistiques où le revenu médian est le plus haut et ceux où il est le plus bas, voir Avalosse, H., Noirhomme, C. & Cès, S. (2022). Inégaux face à la santé; Étude quantitative des inégalités économiques relatives à la santé et à l'utilisation des soins de santé par les membres de la MC , Santé & Société, 4, 6-31.

2 Notamment via la législation sur les Associations de Soins intégrés.


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