Le 13 décembre dernier, les syndicats ont manifesté en front commun à Bruxelles contre les plans du gouvernement Arizona, en faisant le focus sur la fiscalité. Celle-ci, entre autres, doit être révisée de toute urgence pour déplacer les charges pesant sur le travail vers le capital. Mais les négociateurs vont-ils vraiment assurer des impôts justes? Voici nos propositions.
Bram Van Vaerenbergh & Ive Rosseel
La mobilisation du 13 décembre sur l’injustice des mesures fiscales envisagées par l’Arizona a rassemblé plus de 4.000 personnes.
Les sociétés de management poussent comme des champignons. Le nombre de sociétés de management a doublé ces cinq dernières années, passant de 41.150 à 80.210. La création de ces sociétés est devenue plus facile car elle ne nécessite plus de capital minimum. Mais pourquoi tant de personnes choisissent-elles de créer une société de management? Une telle société est fiscalement plus avantageuse pour les hauts revenus.
Au fil du temps, les sociétés ont obtenu divers tarifs préférentiels et abattements fiscaux. Le résultat? L’impôt des sociétés rapporte 14,9 milliards, soit 3,3% du PIB. Par comparaison, l’impôt des personnes physiques rapporte 54 milliards, soit 11,8 % du PIB. Par ailleurs, pour chaque 100 euros d’impôt des sociétés, les entreprises récupèrent 100 euros sous la forme de subventions.
Ce qu’il faut, c’est du courage politique et de la volonté.
Le taux d’imposition des sociétés est passé de 33% en 2017 à 25% aujourd’hui. Il peut même descendre à 20% sous certaines conditions. Cette baisse a entraîné un déficit budgétaire de cinq milliards. Les effets de retour attractifs promis par le ministre des Finances, Johan Van Overtveldt (N-VA), lors de la mise en œuvre de la réforme de l’impôt des sociétés ne se sont pas matérialisés.
La CSC veut combattre l’utilisation des sociétés de management pour éviter de payer les cotisations sociales et l’impôt sur le revenu des personnes physiques. De plus, nous plaidons en faveur d’un impôt sur le rachat d’actions propres et un impôt sur les entreprises qui réalisent des surprofits dans des circonstances exceptionnelles. Nous préconisons d’analyser à nouveau les diverses pratiques d’ingénierie fiscale qui érodent le taux d’imposition. Pour nous, trois mesures vont de pair: l’instauration d’un impôt minimum et de la digitaxe pour les multinationales au niveau européen, et une taxe sur les activités numériques applicables à toutes les sociétés au niveau national.
L’impôt sur la fortune – celui qui pose problème notamment aux partisans de la N-VA et du MR – semble être le principal obstacle dans la formation du gouvernement jusqu’à présent. Pourtant, cet impôt pourrait facilement rapporter cinq milliards. Concrètement, la CSC propose d’introduire un impôt de 1% sur la tranche d’1 million à 1,5 million, de 1,25% de 1,5 million à 2 millions et de 1,5% sur les fortunes supérieures à 2 millions. Ces seuils s’appliquent par personne, après déduction des dettes financières telles que les prêts en cours.
Il suffirait de cinq minutes de courage politique et de volonté pour établir un cadastre des fortunes. Pas de panique, les autorités fiscales ne doivent pas venir jouer les détectives, car les outils existent d’ores et déjà. Mais qu’en est-il des biens immobiliers? Les valeurs (non actualisées) des biens immobiliers sont reprises par le cadastre du SPF Finances, tandis que l’épargne et les autres ressources financières sont collectées au Point de contact central des comptes et contrats financiers. Quant aux biens tels que des œuvres d’art ou des bouteilles de vin onéreuses, ils sont assurés pour un certain montant par l’assurance incendie.
Un impôt sur les plus-values réalisées sur les produits financiers – tels que les actions, les obligations, etc. – et les biens immobiliers non personnels pourrait également rapporter 5 milliards par an. Selon le Conseil Supérieur des Finances (CSF) la plus-value des biens immobiliers pour les particuliers – à l’exclusion de l’habitation principale – s’élève à 13,7 milliards. Un impôt de 30% sur les plus-values pourrait rapporter 4,1 milliards par an. Selon le CSF, un impôt de 30% sur les plus-values sur actions pourrait rapporter environ 1,1 milliard par an au Trésor belge.
La lutte contre tous les types de fraude, d’abus et d’évasion fiscale peut également rapporter une somme considérable. Plusieurs études ont déjà été menées en Belgique, mais leurs résultats varient considérablement: de 18 milliards à plus de 30,4 milliards, voire beaucoup plus. Les montants sont pour le moins hallucinants. En même temps, le nombre de contrôleurs des contributions au SPF Finances diminue rapidement. En moins de vingt ans, le nombre de contrôleurs du service a quasiment diminué de moitié. Le magazine Visie a parlé à l’un de ces inspecteurs. Celui-ci a indiqué qu’en moyenne, une entreprise n’est contrôlée qu’une fois tous les 40 ans (!). Le risque de se faire attraper pour fraude et abus est donc minime.
© Michael De Lausnay