Avant la libéralisation, chaque pays européen avait ses propres modalités pour fixer les prix du gaz et de l’électricité. Suite aux directives européennes de 1996, ils ont dû libéraliser leur marché de l’énergie. Pour quels résultats?
David Morelli
Ce n’est pas le marché qui a boosté les énergies renouvelables, mais les subventions.
En Belgique, où le marché était dominé par un petit nombre d’entreprises privées et d’intercommunales chargées de la distribution et de la vente, le processus de libéralisation s’est achevé en 2008. Celui-ci a ouvert les activités de production et d’approvisionnement à la concurrence et aux acteurs privés. Les réseaux de transport et de distribution sont restés globalement dans les entreprises publiques. Un marché européen pour le gaz et l’électricité a également été créé. La vague de privatisations, de fusions et d’acquisitions qui a suivi la libéralisation a finalement abouti à… une plus forte concentration du marché. En 2016, les trois plus grands fournisseurs d’électricité détenaient 81% des parts de marché en Europe.
L’analyse des tarifs entre 2007, année où l’énergie est complètement libéralisée en Belgique, et 2021, avant l’invasion russe de l’Ukraine qui a exacerbé la crise de l’énergie, montre l’impact négatif de la libéralisation sur ceux-ci. «Les prix de l’énergie ont augmenté plus vite que l’inflation, pointe François Sana, conseiller au service d’études de la CSC. La libéralisation n’a pas fait baisser les prix de l’électricité et du gaz naturel.» La Commission de régulation de l’électricité et du gaz (Creg) constate en effet que le prix total de l’électricité (sur base de 3500 kWh/an, la consommation moyenne d’un ménage avec deux adultes et deux enfants) a augmenté. Cette augmentation est en moyenne de 164,71€/MWh en Flandre, de 98,24€/MWh à Bruxelles et de 138,97€/MWh en Wallonie. Le prix du gaz naturel a également augmenté de 58,38% durant cette période.
Les prix de l’énergie ont augmenté plus vite que l’inflation, pointe François Sana, conseiller au service d’études de la CSC.
Les différents retours du terrain témoignent d’une dégradation de la qualité: contrats souvent illisibles, difficultés pour trouver le meilleur contrat et pour joindre les fournisseurs, marketing très agressif des fournisseurs pour vendre des contrats peu avantageux aux clients…
Pour François Sana, la réponse est négative: «Le déploiement des énergies renouvelables n’a été possible que parce que l’UE leur a permis d’être exemptées des règles relatives aux aides d’État et d’être développées dans le cadre d’accords commerciaux en dehors du marché. Ce sont les subventions qui ont facilité la production accrue d’énergies renouvelables en Europe.»
Le principal atout du marché européen de l’électricité, c’est la mutualisation des capacités disponibles. Plus les pays sont nombreux à mettre en commun leur électricité, plus cet échange est efficace. «Mais pour que la sécurité d’approvisionnement soit garantie, à terme, il faut aussi que ce marché donne envie de créer de nouvelles unités de production, de tendre vers une plus grande autonomie énergétique collective. Malheureusement, constate François Sana, la dépendance énergétique européenne s’est accentuée: 50% d’énergie importée en 1990, 57,5% en 2020.»
Au vu de ce qui précède, la libéralisation de l’énergie en Europe est indubitablement un échec.
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