Dans le monde politique wallon et francophone, le constat que la formation en alternance doit être davantage déployée semble faire l’unanimité. Pourtant, le vœu de l’alternance reste encore accroché à son pieu et n’a pas encore réussi à prendre concrètement son essor. En 2022, on dénombrait moins de 14.000 jeunes apprenants en alternance en Belgique francophone. Et leur nombre a diminué d’1,1% en dix ans.
L’alternance est organisée autour de temps d’apprentissage en classe et de temps d’apprentissage en entreprise ou sur le terrain. Cette modalité d’enseignement a déjà fait ses preuves dans de nombreux pays de l’OCDE, permettant une insertion facilitée des jeunes (ou apprenants) sur le marché du travail. Elle pourrait, par ailleurs, constituer un des leviers d’action pour résorber en partie le manque de travailleurs dans certains secteurs. «Si l’alternance est reconnue et appréciée par ceux qui y participent, elle demeure peu connue par de nombreux employeurs, par la majorité des parents d’élèves ainsi que, dans une moindre mesure, par les autres acteurs de l’enseignement. En particulier, l’alternance pour jeunes conserve l’image d’une filière de relégation “réservée” aux apprenants en situation d’échec et menant à des qualifications moins reconnues». Ce constat est issu d’un état des lieux sur l’enseignement qualifiant et la formation en alternance rédigé en 2022 par l’ASBL «Agir pour l’Enseignement». Il synthétise en quelques mots les causes et les obstacles principaux qui empêchent un déploiement plus large de la formation en alternance: l’image d’une filière de dernier recours et le manque de lisibilité du système.
Rappelons concernant ce dernier point que l’alternance est organisée soit via des centres d’éducation et de formation en alternance (Cefa), qui relèvent de la Fédération Wallonie-Bruxelles, soit au travers d’instituts de formation en alternance et des indépendants et petites et moyennes entreprises (IFAPME) qui relèvent de la Région wallonne. La Région bruxelloise dispose aussi de ses propres mécanismes de formation en alternance. Cette multiplicité d’opérateurs et la concurrence entre eux agit sans aucun doute comme un frein, tout comme l’image tenance de filière de «relégation».
Pour la CSC francophone et wallonne, le potentiel de la formation en alternance et son modèle pédagogique doit être plus et mieux exploité.
Tout d’abord, en faisant de l’alternance une véritable filière de succès et non de relégation. Afin de contribuer à un choix positif de l’alternance, la CSC francophone et wallonne propose l’organisation de certaines qualifications à un métier uniquement en alternance. Par exemple, un jeune qui suivrait un cursus électromécanique en secondaire en alternance, pourrait continuer par un bachelier en électromécanique en alternance. Ce système permettrait notamment à un élève qui n’a pas son Certificat d’enseignement secondaire supérieur (CESS) d’accéder à l’enseignement supérieur en alternance.
La CSC francophone et wallonne insiste, entre autres, pour que l’orientation des élèves s’appuie sur une base d’informations complètes: sur les métiers, les filières d’enseignement et de formation, d’études supérieures, les réalités objectives du marché de l’emploi, etc. Des contacts avec le monde de l’entreprise devraient obligatoirement être organisés pour tous les élèves, dès le début du tronc commun.
La réorientation d’un jeune en alternance vers une autre filière doit également être facilitée. Il est important que le jeune achève son tronc commun avant de poursuivre son parcours en alternance, et que l’accès à ce type de formation, dans le cadre d’une formation initiale, qui comprendrait le supérieur de type court ou long, ne soit pas limité à 25 ans.
Afin de rendre le système plus lisible et moins concurrentiel tout en permettant au public des 15-18 ans de recevoir la formation citoyenne qui constitue une des missions essentielles de l’enseignement, la CSC francophone propose de confier le public en obligation scolaire exclusivement aux Cefa. Cela ne remet nullement en question la pertinence de l’IFAPME comme acteur de l’alternance: une phase de transition impliquant l’ensemble des parties devra être réfléchie pour ne laisser personne au bord du chemin (apprenants, formateurs IFAPME, etc.)
La CSC francophone et wallonne estime par ailleurs que les formations dispensées dans l’alternance devraient tenir compte des potentialités d’emploi et des évolutions de celui-ci. En matière d’offre de places de formation en entreprises, elle plaide pour que les entreprises soient contraintes de les publier, et que des accords paritaires soient conclus entre syndicats et patronat dans l’optique d’ouvrir davantage de postes.
Par ailleurs, la CSC francophone revendique une revalorisation considérable de la rétribution des apprenants: il ne doit pas devenir une main d’œuvre bon marché pour les entreprises. Elle exige également que l’apprenant puisse conserver son statut de personne à charge.
Pour la CSC wallonne, on ne saurait parler de «métier en pénurie» stricto sensu. En effet, Actiris et le Forem dénombrent 89.000 demandeurs d’emploi à Bruxelles, et 231.000 en Wallonie (à la fin 2023). Ces nombres sont largement supérieurs au nombre d’emplois dits «vacants»: 24.500 postes à Bruxelles, et 38.000 en Wallonie (chiffres de Statbel). La solution pour résorber le manque de main-d’œuvre existant dans certains secteurs est avant tout dans les mains des employeurs. Pour la CSC wallonne, les causes des métiers «en difficulté de recrutement», comme elle préfère les appeler, sont donc à chercher ailleurs. Elles sont liées à toute une série d’autres facteurs rarement cités: les conditions salariales, le type de contrat, le bien-être au travail (comme dans le secteur de la construction), etc. Pire: alors que les employeurs recherchent activement des travailleurs dans certains métiers dits en «pénurie», de nombreuses offres d’emploi liées à ce type de fonction exigent de l’expérience professionnelle (jusqu’à dix ans parfois…), l’obligation de disposer d’un véhicule, etc.
Cela dit, lorsque la cause du manque de personnel est un déficit de qualification, il appartient aux employeurs de réinvestir dans la formation (initiale et continue) de leur personnel. Ce n’est pas une vaine incantation: la plupart des secteurs qui font face à des difficultés de recrutement disposent en effet de fonds de formation. Les mesures à préconiser passent par un renforcement de ces fonds, une augmentation de la cotisation patronale, une meilleure visibilité des offres de formation, ainsi que des embauches avec partie formative.
Et lorsque le manque d’attrait pour une fonction est causé par de mauvaises conditions de travail, il appartient aux employeurs et aux pouvoirs subsidiant de les améliorer. Par exemple en revalorisant les salaires, en proposant des contrats fixes et à temps plein, et en réduisant collectivement le temps de travail avec maintien du salaire et embauches compensatoires. Plus largement, la solution au prétendu problème des pénuries passera nécessairement par l’abrogation de la loi sur la norme salariale.
La CSC wallonne dénonce le fait que les employeurs, au lieu de remettre en question la qualité des emplois qu’ils proposent, les dégradent encore plus en utilisant des emplois précaires qui leur coûtent moins cher (flexi-jobs, jobs étudiants, etc.).
© Shutterstock
Pas facile de s’y retrouver dans les offres en matière de formations alternant cours théoriques et pratiques en entreprise. Ces tableaux synthétisent les éléments essentiels à connaitre pour opérer un choix.
* En Fédération Wallonie-Bruxelles: Cefa et les différents réseaux d’enseignement. ** En Région Wallonne: Ifapme, Forem et centres de compétences. *** En Région de Bruxelles-capitale: centre de formation en alternance PME.