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L'info n°1026/05/23

Un projet de loi contre
les casseurs… ou les grévistes ?

Le projet de loi du ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne, prévoyant une peine d’interdiction de manifester de trois ans pour les auteurs de violences, pose de sérieux problèmes aux syndicats. Ils l’ont fait savoir dans une lettre ouverte à l’attention des parlementaires.

David Morelli

Les organisations syndicales ont formulé des observations sur le projet de loi introduit par le Ministre de la Justice le 10 mai 2023 introduisant, entre autres, l’interdiction de participer à des rassemblements revendicatifs comme peine pouvant être infligée lorsque certaines infractions sont commises. En voici les points saillants.

Les organisations syndicales conviennent du fait que le droit de manifester ou de faire grève n’est pas absolu mais rappellent que toute mesure qui peut impacter des droits fondamentaux doit être strictement limitée. S’il est évidemment souhaitable que les manifestations soient exemptes de toute forme de violence, elles se posent de sérieuses questions quant à savoir si la mesure proposée permettra de réaliser cet objectif.

Risques de ciblage

La définition très large du «rassemblement revendicatif» (voir encart) fait partie des inquiétudes que suscitent le projet de loi à l’examen. Portant aussi bien sur les grandes manifestations que sur les rassemblements plus restreints, comme les piquets de grève, cette définition semble en contradiction avec l’objectif de vouloir appréhender les individus qui s’infiltrent dans les manifestations pour tenter de commettre des infractions en marge de celles-ci. Elle pourrait également impacter le droit de grève, dont la participation à un piquet de grève est une des modalités.

Des avis négatifs ont été rendus par deux organes indépendants chargés du suivi du respect des droits fondamentaux en Belgique.

Les syndicats craignent que les entreprises concernées par le conflit social ne tentent de cibler les militants syndicaux en introduisant des plaintes à leur encontre, comme ce fut le cas lors de la signification des ordonnances par des huissiers dans le cadre du conflit social chez Delhaize. Pouvoir mobiliser de telles dispositions pourrait avoir des répercussions sur la capacité d’action syndicale et la possibilité de telles condamnations pourrait décourager la population d’exercer son droit de manifester.

Danger démocratique

Les organisations syndicales contestent par ailleurs le contexte d’urgence dans lequel ce projet de loi est déposé: un texte emportant de telles restrictions à une liberté fondamentale exige un débat Parlementaire. Enfin, elles s’inquiètent également du fait que le ministre de la Justice ne tienne aucunement compte des avis négatifs rendus par deux organes indépendants chargés du suivi du respect des droits fondamentaux en Belgique.

Les organisations syndicales ont donc demandé au Parlement de suspendre les travaux afin d’évaluer les implications de l’introduction d’une telle peine d’interdiction de manifester, tant pour le monde syndical que pour les organisations de la société civile et les citoyens.

Rassemblement revendicatif: un terme trop large

«Un rassemblement revendicatif est un rassemblement (généralement) mobile (mais qui peut également être statique) en plein air où s’exprime en commun une opinion souvent partagée par les organisateurs et les participants. Il s’agit donc d’une expression d’opinion collective sur la voie publique».

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