L’hypersurveillance et le management robotisé, ça suffit!
Plusieurs organisations mènent une action en justice contre Uber pour faire respecter les droits des travailleurs en matière de données et de décisions automatisées.
D.Mo.
On dénombre plus de 3.000 livreurs employés par Uber en Belgique.
Le 14 novembre dernier, la CSC (avec sa branche United Freelancers), la fondation Égaliberté, le Ciep-B et la Ligue des droits humains ont déposé une réclamation devant le tribunal de première instance de Bruxelles contre Uber pour défendre les droits des travailleurs en matière de données et de décisions automatisées.
À l’origine de cette action, 16 (ex-)livreurs et livreuses de l’entreprise. Du jour au lendemain, certains ont été déconnectés de la plateforme et empêchés de continuer à travailler pour l’entreprise, sans explication. Cette pratique s’est généralisée ces dernières années. Lorsque la plateforme justifie sa décision, elle reste très vague (du type «vous n’avez pas respecté nos conditions générales»). S’il réagit, le travailleur reçoit, au titre de «révision humaine», un mail confirmant le plus souvent la décision déjà prise. Mais jamais il n’a l’occasion de parler à un interlocuteur, de connaître précisément ce qui lui est reproché ou de donner sa version des faits. Seize personnes portent ce recours, mais on dénombre plus de 3.000 livreurs et 2.000 chauffeurs employés par Uber en Belgique.
Un manque de transparence est àà déplorer concernant les données personnelles des travailleurs récoltées par la plateforme. Uber ne les communique pas, ou ne les fournit que partiellement. Pourtant, conformément au Règlement général de protection des données, l’entreprise doit permettre aux travailleurs qu’elle fait prester de consulter les données récoltées les concernant et de demander une révision humanisée des décisions prises automatiquement.
Pour la CSC et les ONG qui soutiennent ce recours, «ces situations sont véritablement unilatérales, arbitraires et kafkaïennes – parfois, une batterie plate au mauvais moment suffit à ce que le système suspecte une fraude et élimine définitivement le travailleur. Les travailleurs concernés constatent amèrement qu’ils ne sont que des kleenex pour la plateforme».
Pour les requérants, cette situation doit cesser. Quel que soit leur statut (pour la plateforme, ils sont des prestataires «indépendants»), ce sont des travailleurs et ils ont des droits, à commencer par celui au respect. On ne prive pas un travailleur de son activité de manière arbitraire ou unilatérale, sans même l’entendre. L’hypersurveillance doit au moins respecter les quelques limitations établies par la loi.
Les requérants demandent notamment à Uber de recevoir leurs données à caractère personnel traitées par l’entreprise. Ils demandent cela dans des formes leur permettant de comprendre l’analyse effectuée, mais aussi d’être informés de manière claire et complète sur les logiques de profilage, des décisions automatisées ou de tout autre traitement (notamment pour l’attribution des livraisons. Enfin, ils demandent l’annulation des décisions de déconnexion prises sans intervention humaine suffisante.
Les travailleurs concernés constatent qu’ils ne sont que des kleenex pour la plateforme.
© Jean-Luc Flémal – Belpress.com