Le dossier de ce numéro de L’Info va présenter, de manière non exhaustive, le contenu de l’accord du gouvernement Arizona dans différents domaines. Une certaine prudence est de mise, car malgré son volume, le texte de cet accord ne brille pas toujours par sa clarté.
Beaucoup d’aspects ne seront clarifiés qu’au moment de leur mise en œuvre. Les récentes péripéties autour de la taxe sur les plus-values ont déjà montré à quel point les protagonistes peinent à s’accorder.
Toutefois, le message est clair: ce gouvernement s’accroche aux illusions libérales selon lesquelles les travailleurs n’ont plus besoin de protection, que la maladie et le chômage relèvent de choix personnels et que les problèmes collectifs doivent être résolus individuellement. Les premières victimes en sont les personnes précarisées et les nouveaux arrivants, suivis par les chômeurs et les malades de longue durée. À l’image de ce cabinet dominé par des hommes, ce sont surtout les femmes qui en subiront les conséquences.
Ces mesures entraînent une flexibilisation accrue du marché du travail et normalisent les «petits boulots» qui portent bien leur nom. Le quota d’heures pour les étudiants est élargi, au même titre que les flexi-jobs et les heures supplémentaires fiscalement avantageuses.
Si ces mesures sont parfois bien accueillies par les travailleurs individuellement, elles sont globalement préjudiciables à l’ensemble des travailleurs. En particulier la suppression de la limite minimale de 1/3 de la durée du travail, qui renforce les mécanismes de contrats d’appel flexibles, où tout le monde est remplaçable. Ces mesures exercent également des pressions sur la sécurité d’emploi et les conditions de travail de tous les travailleurs.
Les restrictions liées à la fin de carrière, avec l’arrêt du régime de chômage avec complément d’entreprise (RCC, anciennement prépension) et la limitation des emplois de fin de carrière, ne font qu’accroître la pression sur les travailleurs. C’est comme avancer sur une corde raide, lesté de quelques pierres de plus dans son sac à dos. En outre, avec le durcissement des règles en cas de maladie et de chômage, de nouveaux obstacles sont encore mis en place.
Le message est clair: pour les plus nantis, respecter simplement les règles est manifestement déjà considéré comme un effort supplémentaire.
"Réduire les dépenses publiques signifie réduire les investissements dans les transports en commun, les soins de santé, la sécurité, la science, la culture et les loisirs, l’éducation, l’aide aux personnes en difficulté… Réduire les dépenses publiques signifie moins de services, un coût plus élevé et plus d’inégalités."
Ilse Heylen, présidente de la CSC Services Publics
Et si les mots ne suffisent pas pour convaincre, les chiffres parlent d’eux-mêmes: ce gouvernement entend trouver 23 milliards d’euros via des économies et des réformes. Pas moins de 8 milliards d’euros seront économisés sur les pensions (2,4), le chômage (2,7) et l’enveloppe de la liaison au bien-être (2,8). Des économies seront également réalisées au détriment du personnel des services publics ainsi que des services et des droits accordés aux nouveaux arrivants.
Le gouvernement entend générer un tiers du budget, soit 7,8 milliards d’euros, en créant de nouveaux emplois. Comment? Cela reste un mystère, car en dehors d’une responsabilisation limitée en matière de maladie, il ne dit rien du rôle et de l’obligation des entreprises concernant la création d’emplois ou le fait de fournir un travail adapté aux malades et aux demandeurs d’emploi. Au contraire, toute augmentation du volume de travail mentionnée dans l’accord de gouvernement est exonérée d’impôts et de cotisations sociales. En outre, les entreprises bénéficieront encore de 2 milliards d’euros d’avantages et d’allègements de charges, creusant encore le gouffre.
Une modeste contribution de 6% seulement, soit 1,4 milliard, provient des «épaules les plus larges». Le gouvernement espère également y ajouter 800 millions d’euros dans le cadre de la lutte contre les fraudes sociale et fiscale.
Le message est clair: pour les plus nantis, respecter simplement les règles est manifestement déjà considéré comme un effort supplémentaire. Pour les uns comme pour les autres, ces recettes sont très incertaines.
L’accord témoigne également d’un mépris flagrant pour les accords conclus entre les interlocuteurs sociaux et les équilibres trouvés laborieusement entre les intérêts des entreprises et la protection des travailleurs. Sans la moindre vergogne, les interlocuteurs sociaux sont invités à compléter le statut unique, alors que dans le même passage sur cette question, les périodes de préavis sont réduites et la période d’essai est restaurée… en totale contradiction avec l’accord de 2013 sur le statut unique.
L’accord mentionne 19 fois la notion de «sécurité juridique», mais son interprétation est très arbitraire. Pour les travailleurs qui auraient pu bénéficier du RCC, cette sécurité juridique ne valait en tout cas pas la peine d’être mentionnée. L’accès au RCC devient en effet impossible «à partir de la date de l’accord de gouvernement», ce qui contredit directement la CCT actuellement en vigueur jusqu’au 30 juin 2025. Une clarification rapide s’impose pour la période actuelle de préavis et l’indemnité en compensation du licenciement.
Tout cela interfère également avec un autre grand dossier: celui des négociations interprofessionnelles. Le coup d’envoi a déjà été donné avec une nouvelle marge salariale de 0% pour les deux prochaines années. Dans le même temps, ce gouvernement a largement vidé de sa substance la plupart des matières relatives à la concertation sociale. Les discussions s’annoncent particulièrement ardues.
Le printemps promet donc d’être chaud pour compenser la rigueur de cet hiver.
L’accord témoigne également d’un mépris flagrant pour les accords conclus entre les interlocuteurs sociaux et les équilibres trouvés laborieusement entre les intérêts des entreprises et la protection des travailleurs.
Les attaques de l’Arizona sont scandaleuses en matière de pouvoir d’achat, de fin de carrière, de pensions. C’est un massacre social. On va faire un marathon de la résistance pour faire fléchir ce gouvernement!»
David, travailleur chez ArcelorMittal
"Ce n’est pas la société que les citoyens veulent! Nous devons établir un rapport de force et fournir un contre-pouvoir solide." Ann Vermorgen, présidente de la CSC
© Bart Dewaele