Les mesures adoptées depuis l’arrivée de l’Arizona vont impacter tant la région wallonne que ses habitants. Ces réformes vont peser durement sur son budget alors que 265 millions d’efforts avaient déjà été réalisés en 2025 via le gel de la majoration du Fonds des communes ainsi que des coupes dans les subventions facultatives et les frais de fonctionnement des administrations publiques. «Ces efforts ont immédiatement été neutralisés par le grand cadeau qu’est l’abaissement des droits d’enregistrement de 12 à 3%», constate Thibault Deleixhe. À ce manque à gagner fiscal de 250 millions vient s’ajouter le coût des mesures prises par l’Arizona depuis son avènement, qui totalise 270 millions d’euros en report de charge budgétaire depuis le fédéral. Résultat: un déficit supplémentaire de 255 millions, des services publics et une protection sociale affaiblis et une trajectoire budgétaire qui fragilise la Wallonie. «On a perdu sur tous les tableaux. Et l’Arizona prévoit encore de faire 23 milliards d’économies d’ici 2029, dont l’essentiel doit être réalisé sur le travail. Combien de temps la Wallonie pourra-elle soutenir cette prise en tenaille?», s’inquiète-t-il.
La réforme de l’assurance chômage constituait un totem pour les libéraux et Les Engagés, qui clamaient que la chose était indispensable pour équilibrer les finances publiques. C’est donc sans surprise que l’Arizona a pris des mesures qui restreignent l’accès aux allocations (voir encart 1). Pourtant, si l’on se réfère aux coûts relatifs des branches de la sécurité sociale, force est de constater que le gouvernement s’est attaqué avec violence à celle qui ne pèse que pour 3,8% des dépenses sociales. «Les coûts de l’invalidité de la vieillesse ont augmenté de 30 à 40% alors que ceux du chômage ont été réduits de 20% en l’espace de quatre ans. Le chômage pèse deux fois moins lourd que la maladie, et six fois moins lourd que les pensions. Le gouvernement tape sur la branche de la sécurité sociale où il y a le moins de marge. Par ailleurs, les chiffres des services régionaux de l’emploi, en charge de faire coïncider les offres de jobs et les profils en recherche, pointent tous dans une même direction: l’emploi manque et les jobs disponibles requièrent un diplôme d’enseignement supérieur, or les chômeurs de longue durée n’ont pas ce profil. On s’apprête donc à pénaliser des personnes pour n’avoir pas trouvé un job qui n’existe pas».
Quoiqu’il en soit, le marché du travail et les pensions seront mis à la diète pour générer – en rythme de croisière de ces réformes – jusqu’à 5,1 milliards d’économies, dont quelque 2,4 milliards proviendront directement de la réforme des allocations de chômage. Avec des conséquences au niveau des régions à la suite, entre autres, de la vague d’exclusion des chômeurs de longue durée.
Cette limitation dans le temps des allocations de chômage aura un effet disproportionné sur le sud du pays et Bruxelles. À partir du 1er janvier 2026, au cours de quatre vagues successives, 184.463 chômeurs de longue durée seront exclus du chômage, dont 85.350 en Wallonie et 40.775 à Bruxelles. «Il est erroné de parler de limitation dans le temps du chômage à deux ans, rappelle le conseiller. En réalité, c’est un an: la période de référence est une période de trois années au cours de laquelle il faut avoir presté au moins douze mois. Et l’ouverture de la deuxième année d’allocations de chômage est très lente: c’est par quadrimestre presté au cours des quatre années qui suivent qu’on ouvrira un mois d’allocations de chômage supplémentaire».
Les coûts de l’invalidité de la vieillesse ont augmenté de 30 à 40% alors que ceux du chômage ont été réduits de 20% en l’espace de quatre ans."
Le versement des allocations de chômage est lié au respect des conditions d’activation définies par les régions. Les disponibilités actives, passives et adaptées seront uniformisées pour rendre la main aux régions sur le processus de contrôle des chômeurs. À cet égard, l’accord d’été du gouvernement fédéral vise à les habiliter afin qu’elles puissent remodeler à loisir la notion d’emploi convenable, notamment pour en durcir les conditions de refus, augmenter les temps et distances de trajet maximum à parcourir, maximiser la disponibilité d’un chômeur, réduire les exemptions et alourdir les sanctions en cas de refus. «Ce qui semble visé, analyse le collaborateur, c’est la possibilité pour la Flandre de définir un périmètre de recherche d’employés disponibles qui soit très large afin de recouvrir les bassins d’emploi wallon». Ces critères sont également adaptés à la volonté de remettre plus rapidement les malades de longue durée à l’emploi en faisant sauter les protections dont ils bénéficient jusqu’à présent.
Les services régionaux de l’emploi seront également mobilisés pour réactiver professionnellement ces derniers. Au terme d’un mois d’incapacité, ils devront solliciter d’initiative les demandeurs d’emploi en incapacité de travail reconnue avec une proposition concrète sur base d’une liste de tâches auxquelles ils seraient encore aptes, dressée par leur médecin traitant, et d’un trajet sur mesure visant à réintégrer le marché du travail. Le volume de financement de chaque service régional de l’emploi serait partiellement lié au nombre de démarches de ce type entreprises par l’organisme et à leur taux de réussite.
De leur côté, les pouvoirs locaux vont devoir absorber la masse des exclus du chômage. Le fédéral rassure en promettant des compensations mais, sur base des estimations de la CSC, c’est jusqu’à 1 milliard qui pourrait venir à manquer.
Par ailleurs, Le gouvernement fédéral s’engage à une prise en charge plus large du RIS sur son budget… mais conditionnera l’octroi de ce financement au volume de bénéficiaires qui seront remis à l’emploi via l’élaboration de projets individualisés d’insertion sociale. Cela n’ayant jamais été la mission de base des CPAS, ils ne sont pas bien armés pour y parvenir. «La Flandre ayant un marché du travail plus dynamique que la Wallonie, elle pourrait avoir des taux de réinsertion plus importants… et capter une part proportionnellement plus importante de cette enveloppe. Bref, davantage de charges pour les CPAS wallons, davantage de compensations pour les OCMW en Flandre», analyse le collaborateur.
La crainte qu’inspire cet accord à Thibault Deleixhe tient dans la façon dont ses projets de réforme visent à organiser un transfert de charges budgétaires depuis le fédéral vers les régions. «On ne peut s’empêcher de penser que le Premier ministre a choisi de s’attaquer aux politiques publiques qui en composent le socle vivant afin de piéger le sud du pays dans une situation de disette budgétaire qui le contraigne à être demandeur d’un renflouement en échange d’une régionalisation du pays plus large».
L’Arizona s’en défend en ne cessant de matraquer que sa seule priorité est l’assainissement des finances publiques. «Pourtant, le Bureau du Plan pointe que son programme d’austérité entraînera la paupérisation des classes moyennes et donc une contraction de notre économie domestique. L’exact opposé des effets retours invoqués pour équilibrer les comptes. Les dépenses d’une ampleur inédite dans le secteur de la Défense laissent par ailleurs à penser que la rigueur budgétaire est un prétexte à un tarissement des politiques sociales, à une mise en concurrence brutale des travailleurs et travailleuses et à un détricotage de la solidarité entre Belges.»
Le conseiller du service d’études de la CSC conclut que «le plus inquiétant dans cette configuration est la faiblesse de la défense des travailleurs par leurs représentants politiques, les conservateurs et les libéraux, tout à leur empressement à déréguler le marché du travail».
La Flandre ayant un marché du travail plus dynamique que la Wallonie, elle pourrait avoir des taux de réinsertion plus importants… et capter une part proportionnellement plus importante de cette enveloppe."