Cette conférence avait pour objectif de trouver des solutions pour éliminer les obstacles à l’emploi pour les personnes issues de l’immigration hors UE.
La deuxième conférence pour l’emploi, organisée les 14 et 15 juin derniers, s’est focalisée sur la discrimination à l’encontre des personnes issues de l’immigration (hors Union européenne) sur le marché de l’emploi belge. Ce problème n’est pas neuf dans notre pays. Les interlocuteurs sociaux - dont la CSC - ont formulé leurs remarques et leurs propositions. Le ministre de l’Économie et du Travail, Pierre-Yves Dermagne, va à présent les analyser.
Bram Van Vaerenbergh
En 2020, le taux d’emploi des personnes issues de l’immigration (pays hors UE) s’élevait à seulement 53,6% dans notre pays contre 70% en moyenne pour l’ensemble de la population en Belgique la même année. A titre de comparaison, au sein de l’UE, ce pourcentage était de 57,6%. notre pays affiche donc un résultat bien pire. Avec un écart de 17 points de pourcentage en matière d’emploi, la Belgique se situe depuis plusieurs années au bas de l’échelle en termes d’occupation des personnes issues de l’immigration.
Seulement 12% des personnes qui arrivent chaque année en Belgique en provenance de pays extérieurs à l’Union européenne le font avec l’intention de travailler. Le groupe principal se compose de personnes en quête de regroupement familial, de demandeurs d’asile et d’étudiants. Ces personnes sont soit plus difficiles à orienter vers le marché du travail, soit confrontées à des obstacles pour y accéder. Aujourd’hui, environ une personne sur deux travaille, alors que le gouvernement souhaite atteindre un taux d’activité de 80% pour la Belgique d’ici 2030. Il faut donc éliminer ces obstacles autant que possible.
Faire en sorte que ce groupe de personnes puisse travailler n’est pas évident. La discrimination sur le lieu de travail subsiste. Par ailleurs, divers leviers sont nécessaires pour activer ce groupe. «Il s’agit d’instaurer des services de garde d’enfants qui soient de qualité et abordables. La langue est également très importante», déclare Stefaan Peirsman, qui a participé à la conférence au nom de la CSC. «La discrimination subsiste: elle est moins présente dans les secteurs de la construction et de l’alimentation mais dans les secteurs bien rémunérés comme la chimie, le secteur des banques et des assurances ou les fonctions d’employés, il y a peu de personnes issues de l’immigration. Les migrants de deuxième ou troisième génération qui ont un diplôme sont également discriminés à cet égard.» Autre difficulté: bon nombre de ces leviers relèvent actuellement des compétences des Régions et des Communautés. Il faut donc collaborer avec le gouvernement fédéral.
LA DISCRIMINATION
SUR LE LIEU
DE TRAVAIL SUBSISTE.
En tant que syndicat, la CSC peut également jouer un rôle important. Bien qu’il ne soit pas toujours facile de faire en sorte que ces personnes venant d’un pays hors UE accèdent au syndicat. «Nous avons la plus grande représentation de personnes issues de l’immigration, si l’on compare avec d’autres organisations de la société civile, mais ce n’est certainement pas encore un miroir de la société» affirme Stefaan Peirsman. «Le syndicalisme en Belgique diffère de celui du pays d’origine. Il en découle une forme d’ignorance.» Les nouveaux venus sont trop tributaires de ce que leur dit leur employeur.
Dans les cinq groupes de travail (voir encadré), les interlocuteurs sociaux ont discuté des principaux thèmes. «La discussion était ouverte, et généralement, la plupart des thèmes ont fait l’objet d’un consensus. La question des sans-papiers est restée délicate, car les employeurs entendent intensifier la lutte contre le travail au noir et les sans-papiers n’ont d’autre choix que de ne pas déclarer leur travail. Dans le même temps, les employeurs n’ont pas proposé de solution pour ce groupe-cible.»
Le ministre de l’Économie et du Travail, Pierre-Yves Dermagne, a clôturé la conférence de deux jours et a partiellement confirmé les décisions des groupes de travail. «La balle est à présent dans le camp des pouvoirs publics. Ils ont amorcé les discussions, nous avons donné notre avis. Les autorités ont indiqué qu’elles soumettraient un plan de suivi après les vacances d’été. Espérons que les propositions de loi suivront rapidement! Sinon, nous devons, en tant que syndicat, les amener à formuler ces propositions», conclut Stefaan Peirsman.
La présidente de ce groupe de travail – Els Keytsman (Unia) – a décidé d’amener les interlocuteurs sociaux à dégager un consensus au travers d’une proposition politique, à savoir les actions positives. Il existe déjà un arrêté royal de 2017 à ce sujet, mais il est pratiquement resté lettre morte jusqu’ici. Les interlocuteurs sociaux demandent le soutien des autorités fédérales pour mettre en place des actions positives dans les entreprises: création d’une page web, soutien aux entreprises et simplification des procédures pour instaurer un plan d’actions positives. Un tel plan vise à amener un groupe-cible spécifique vers l’entreprise grâce à des actions bien définies.
Ce groupe de travail a étudié ce qui peut être fait pour donner aux personnes issues de l’immigration un meilleur accès au marché de l’emploi. Les interlocuteurs sociaux demandent de simplifier les procédures pour pourvoir des emplois en pénurie de main-d’œuvre. On pourrait, par exemple, demander un permis combiné en Belgique, en l’ouvrant aux sans-papiers qui travaillent ici depuis longtemps. Aucun consensus n’a pu être dégagé sur ce dernier point. Les interlocuteurs sociaux soulignent également l’importance d’une bonne collaboration entre les autorités fédérales et régionales. Ils demandent que des efforts supplémentaires soient consentis pour orienter le groupe-cible vers les formations linguistiques et aux métiers en pénurie de main-d’œuvre. Ils demandent également de mettre davantage l’accent sur les compétences et moins sur les diplômes.
Ce groupe de travail s’est concentré sur les initiatives nécessaires en matière de sécurité et de santé au travail. Le groupe de travail a indiqué que la langue joue un rôle important car elle entraîne des problèmes dans la communication des instructions de sécurité. En outre, il existe une différence – y compris au sein de l’UE – dans les compétences effectives des travailleurs. Il faut davantage insister sur le contrôle et la sanction et les pouvoirs publics doivent montrer l’exemple dans le cadre des marchés publics. Les interlocuteurs sociaux demandent également une définition claire de l’exploitation économique et une meilleure protection des travailleurs – souvent des sans-papiers – qui signalent des abus.
Ce groupe a tenté de définir précisément le dumping social et le rôle de l’inspection et des interlocuteurs sociaux ainsi que les mesures nécessaires pour prévenir et combattre le dumping social. Les principaux thèmes d’action restent la durée du travail, la sécurité, la rémunération, le statut (phénomène des faux indépendants) et les conditions de séjour.
Comment contacter les femmes issues de l’immigration, le groupe-cible le plus faiblement représenté sur le marché de l’emploi? Telle était la principale question à laquelle a tenté de répondre ce groupe de travail. Le droit au travail dans le cadre du regroupement familial, le soutien nécessaire, la lutte contre les stéréotypes: tous ces sujets ont été abordés. Il faut également des services de garde d’enfants de qualité et abordables pour permettre aux femmes de travailler. L’instrument de l’action positive a également été mis en avant dans le cadre de ce groupe de travail, afin d’orienter ce groupe vers le marché de l’emploi.
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