Les subventions publiques accordées aux entreprises privées à but lucratif ne cessent d’augmenter: c’est le constat d’une étude2 visant à estimer les montants d’argent public versés aux entreprises privées lucratives... et à questionner leur efficacité.
David Morelli
Ce sont les entreprises et les actionnaires qui semblent bénéficier le plus des subsides, révèle l’étude.
D’après les dernières données disponibles, datant de 2022, l’aide publique s’élevait à près de 52 milliards d’euros, soit 9,2% du produit intérieur brut. Ce montant équivaut à 115% des dépenses de santé, à 1,5 fois le budget de l’enseignement et à trois fois les économies de 15,7 milliards d’euros par an qui sont imposées à notre pays par l’Europe.
Les chercheurs qui ont réalisé cette nouvelle étude ont, dans la mesure du possible, exclu tous les fonds publics alloués à des entreprises du secteur non-marchand et à des entreprises publiques autonomes telles que la SNCB. Ils ont pris en compte toutes les subventions directes et les pertes de recettes dues, entre autres, aux réductions d’impôts et de cotisations ONSS.
Alors que les dépenses pour les subventions sont restées relativement limitées jusqu’au début des années 2000, elles ont connu une forte hausse depuis 2003.
«Depuis les années 1980, lorsqu’il s’agit de réduire les dépenses publiques, l’attention politique se porte presque toujours sur les services publics ou le secteur non marchand, constatent les chercheurs. Pourtant, une étude de 2021 de la Banque nationale signalait déjà que les dépenses publiques belges dans le domaine économique, y compris les subventions salariales aux entreprises, étaient particulièrement élevées par rapport aux pays voisins.
Or, dans les faits, il s’avère que ces aides publiques ne créent pas nécessairement de nouveaux emplois. Au contraire, elles servent plutôt à augmenter les marges bénéficiaires des entreprises ou les dividendes de leurs actionnaires. Les conditions d’octroi des subventions publiques, lorsque celles-ci existent, restent peu contraignantes.»
Les chercheurs présentent dans leur étude les explications à ce soutien public aux entreprises privées lucratives. Parmi celles-ci, ils en pointent une, largement tue par les politiciens «néolibéraux»: «Ce soutien permet aux actionnaires du secteur privé d’atténuer le risque financier de leurs investissements, en adossant leurs profits à la puissance publique, qui fonctionne alors comme l’assureur en dernier ressort du profit. Par son soutien financier, l’État donne une garantie de profit aux propriétaires des entreprises, presque sans condition puisqu’ils ne sont pas tenus de rembourser lorsqu’ils ne tiennent pas leur engagement, c’est-à-dire à minima maintenir l’emploi. Dans ce cas, le risque de l’investissement capitaliste est transféré, par le biais de l’État et de la sécurité sociale, sur le contribuable, les enseignants, les fonctionnaires, les infirmières, les médecins…un pognon de dingue vous avez dit?»
Depuis les années 1980, lorsqu’il s’agit de réduire les dépenses publiques, l’attention politique se porte presque toujours sur les services publics ou le secteur non marchand, constatent les chercheurs."
1. Expression utilisée par le président français Emmanuel Macron à propos des dépenses sociales de l’État français qu’il juge «inefficientes».
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