Le dossier

L'info n°1626/09/2025

Marche pour le climat:

pour une justice climatique et sociale

Le dossier icon

Le 5 octobre prochain, Bruxelles sera une nouvelle fois le théâtre d’une mobilisation citoyenne majeure autour du climat. Faisons entendre notre exigence d’une transition écologique ambitieuse, socialement juste et respectueuse des limites planétaires.

Luca Ciccia

La marche pour le climat du 5 octobre prochain est indispensable: elle intervient à un moment critique, marqué par une remise en question inquiétante des politiques censées répondre à l’urgence écologique, alors que les crises s’accumulent, non seulement sur le plan climatique, mais aussi dans l’ensemble des écosystèmes planétaires.

Remise en cause

Dans plusieurs pays occidentaux, les gouvernements actuels adoptent des positions de plus en plus sceptiques, voire hostiles, face à la nécessité d’une transition écologique rapide. En Belgique par exemple, le ministre de l’Emploi fédéral, David Clarinval a récemment déclaré vouloir «mettre le climat en pause», retardant ainsi les mesures indispensables pour réduire nos émissions. Ce discours, loin d’être isolé, s’inscrit dans une tendance qui fragilise le Green New Deal européen1 acquis de haute lutte par les mobilisations citoyennes, et ouvre la porte à une politique climatique au ralenti, de manière criminelle. L’enjeu est en effet existentiel pour l’humanité: un réchauffement planétaire de +1,5 degré pourrait entraîner 30.000 décès par an en Europe, en raison de la chaleur extrême. Chaque dixième de degré de plus équivaut à des milliers de morts supplémentaires.
Cette remise en cause s’accompagne d’un développement accru de secteurs énergivores tels que l’intelligence artificielle, l’industrie lourde et la défense, qui risquent d’aggraver la crise climatique. La course à la technologie et à la militarisation consomme massivement des ressources et génère d’importantes émissions de gaz à effet de serre, contredisant les objectifs écologiques affichés.

60 millions

d’emplois pourraient disparaître d’ici 2030 dans les secteurs vulnérables.

Crise écologique globale

Il est essentiel de comprendre que le changement climatique ne peut être isolé des autres grands enjeux écologiques. Le développement économique se fonde sur la combustion des énergies fossiles, mais aussi sur de la pollution et de l’extractivisme qui nuisent à la capacité de la vie sur terre à se maintenir. La planète est aujourd’hui soumise à une pression sans précédent. Les scientifiques ont ainsi défini neuf limites planétaires. Nous en avons déjà dépassé sept d’entre elles!

Cette crise écologique multidimensionnelle met en péril la résilience des écosystèmes dont dépend notre société. Le climat est un élément central, mais il doit être abordé dans ce cadre global. Ceci pour éviter de penser un peu rapidement que la voiture électrique est la solution magique, alors que les problèmes écologiques issus de l’extraction des minerais ne sont pas sans effets négatifs pour notre environnement. Ignorer ces interconnexions, c’est risquer des réponses fragmentées et inefficaces. Par exemple, le problème de la voiture fossile ne pourra pas trouver de réponse positive dans la voiture électrique mais plutôt dans les transports en commun, les voitures partagées, la concentration urbaine, etc.

Impacts climatiques

Les données récentes issues du Giec sont alarmantes. Selon son dernier rapport, la température moyenne mondiale a déjà augmenté de +1,2°C par rapport à l’ère préindustrielle. Nous aurions déjà dépassé en 2025 les +1,5°C qui était pourtant l’objectif maximal établi par l’Accord de Paris, adopté en 2015, et à ne pas dépasser d’ici 2050. Les conséquences sont visibles partout: vagues de chaleur record (jusqu’à 45°C en Europe cet été), incendies dévastateurs, inondations touchant des millions de personnes, cyclones plus puissants, etc.

Les coûts économiques sont colossaux: plus de 300 milliards de dollars de pertes liées aux catastrophes climatiques en 2024, soit une hausse de 60% en dix ans. En Europe, les canicules et sécheresses ont déjà coûté plus de 15 milliards d’euros en 2025, impactant particulièrement les secteurs agricoles et industriels. Le coût sanitaire se compte déjà en centaines de morts chaque été en Europe.

Dépendance aux énergies fossiles

Malgré ces constats, les émissions mondiales de CO2 ont augmenté de 2% en 2024, avec plus de 36 milliards de tonnes rejetées dans l’atmosphère. En Europe, la demande en gaz naturel reste élevée, en partie pour alimenter les industries lourdes et le secteur militaire, qui sont parmi les plus gros consommateurs d’énergie fossile.

Cette dépendance persiste parce que les logiques économiques privilégient souvent le court terme et les profits au détriment de la durabilité. Pour les travailleurs, cette situation est complexe: si la transition tarde, les risques climatiques et économiques s’aggravent; si elle est mal pensée, elle peut entraîner précarisation et pertes d’emploi.

Conséquences économiques et sociales majeures

L’Organisation internationale du travail (OIT) alerte: sans une transition planifiée, jusqu’à 60 millions d’emplois pourraient disparaître dans les secteurs vulnérables d’ici 2030, tandis que près de 100 millions d’emplois verts pourraient être créés d’ici à 2030 si les politiques publiques sont ambitieuses et justes.

Les perturbations climatiques fragilisent les chaînes d’approvisionnement, augmentent les coûts pour les entreprises et pèsent lourdement sur les revenus des travailleurs, particulièrement dans l’agriculture, la construction ou le tourisme. Sans accompagnement adapté, les inégalités sociales et régionales vont s’aggraver, creusant encore plus le fossé entre populations vulnérables et privilégiées.

La justice climatique, une obligation légale reconnue

Face à ce contexte, la justice internationale prend de plus en plus conscience de la responsabilité des États. Un avis consultatif historique de la Cour internationale de justice, rendu le 23 juillet 2025, affirme ainsi que les violations des obligations climatiques constituent un «fait internationalement illicite» engageant la responsabilité des États. Cette décision historique établit une obligation juridique d’agir, offrant un nouvel outil pour exiger des mesures ambitieuses et contraignantes.


1. Ensemble d’initiatives politiques proposées par la Commission européenne dans le but de rendre l’Europe climatiquement neutre en 2050, NDLR.