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L'info n°1406/09/2024

BRUXELLES

Fermeture annoncée chez Audi?

La nouvelle est tombée durant le bouclage de ce journal: aucun modèle de véhicule ne sera attribué à Audi Brussels pour les prochaines années.

David Morelli


La CSC est solidaire des travailleurs et des sous-traitants d’Audi.

Depuis l’annonce de la restructuration en juillet dernier, c’était le flou total quant à l’avenir du site Audi à Forest. Les quelque 1.300 travailleurs d’Audi qui avaient participé à l’assemblée du personnel organisée à Forest National le 22 août dernier en étaient d’ailleurs ressortis déçus et parfois en colère.

«On a avancé sur rien, constatait Maurizio Sabatino, délégué principal CSC chez Audi, à l’issue de l’assemblée. Ils ont répété ce qu’ils avaient déjà dit lors du Conseil d’entreprise: que cette situation n’est pas la faute des travailleurs, et qu’ils cherchent des alternatives, des repreneurs. Mais cette situation met le doute dans la tête de certains travailleurs: s’il y a vraiment des pistes, qu’elles soient mises sur la table!».

Des repreneurs potentiels?

Le Conseil d’entreprise extraordinaire du 3 septembre a définitivement douché les derniers espoirs: «Aucun projet automobile ni volume de production n’est sur le planning des prochaines années pour l’usine. Ce qui signifie une fermeture», a annoncé le front commun CSC-FGTB dans un communiqué de presse. Toutefois, des «projets alternatifs» pourraient être proposés. «Ils devront être clarifiés lors du conseil d’entreprise extraordinaire du 17 septembre.»

Les syndicats souhaitent obtenir des informations détaillées, ainsi qu’une vue sur l’ensemble des potentiels repreneurs. Dans ce contexte, difficile d’imaginer que les travailleurs reprendront le travail, prévu le lendemain de cette annonce.


© David Morelli, CSC Bruxelles


Note de la rédaction: Les deux témoignages ci-dessous ont été recueillis avant le Conseil d’entreprise du 3 septembre.





C’est une partie de ma vie que je laisse ici...

Jamal travaille depuis 25 ans sur le site d’Audi à Forest. Ouvrier en tôlerie, il a connu la restructuration de Volkswagen en 20061. Il évoque avec amertume la situation actuelle.

Propos recueillis par David Morelli


© David Morelli

Comment envisagez-vous l’avenir de l’entreprise?

Beaucoup moins bien qu’en 2006, vu la méthode utilisée par l’employeur. Ils ont annoncé ça juste avant les vacances, et cela semble être en préparation depuis longtemps. Aujourd’hui, on n’est déjà plus que deux équipes, soit la moitié de l’effectif par rapport à 2006. Il y aura peut-être une petite partie des travailleurs qui conserveront leur emploi, en travaillant dans des ateliers de batteries, mais je pense que le reste du site sera abandonné.

Comment, d’après-vous, en est-on arrivé là?

La situation dans laquelle nous nous trouvons vient entre autres du coût beaucoup moins élevé de la main-d’œuvre au Mexique. Il y a aussi des problèmes en Allemagne. Tant que l’Allemagne ira mal, on ira droit dans le mur ici. Le marché de l’électrique ne fonctionne pas: je pense que le gouvernement doit réagir par rapport à ça. Tout le monde n’est pas prêt ou n’a pas les moyens de passer à l’électrique. Il faut des primes et des aides de l’État. Cela a déjà été abandonné en Allemagne… Tout ça joue beaucoup dans la situation que vit l’entreprise aujourd’hui.

Comment envisagez-vous votre avenir?

J’ai travaillé en montage, en tôlerie, j’ai un brevet de cariste. Personnellement, je pourrais retrouver un emploi. Des caristes, on en demande partout. Mais on a quand même vécu beaucoup de choses ici. C’est une partie de ma vie que je laisse ici. Mais on ne va pas se laisser abattre les uns après les autres. Je ne veux pas attendre mon tour ou voir mes collègues partir en octobre ou en mai de l’année prochaine. Je n’apprécie pas cette méthode très calculée ou l’on coupe les têtes par étapes. On suivra également les étapes du plan Renault, et nous suivrons nos délégués pour voir quelles sont les perspectives pour l’entreprise. On ne va pas lâcher. On va lutter.


1. En 2006, une importante restructuration de Volkswagen à Forest avait abouti au licenciement de 3.000 salariés et à la reprise du site par Audi, dans des conditions de travail plus difficiles.

Nous sommes la poussière par terre chez Audi!

Les emplois de quelque 1.000 travailleurs sous-traitants d’Audi pourraient être impactés par sa restructuration. Bouker, délégué CSC chez Cleaning Master, explique le sentiment d’abandon ressenti par ces travailleurs, alors qu’il participe à un rassemblement devant les portes closes de l’usine.

Propos recueillis par David Morelli

Pourquoi êtes-vous devant l’usine ce matin?

Nous sommes inquiets pour nos emplois. De plus, alors que nous sommes en chômage économique depuis début juillet, les travailleurs d’Audi sont payés pour la seconde semaine consécutive sans devoir reprendre le travail. Nous voulons dénoncer cette situation injuste. La direction d’Audi essaie déjà de diviser les travailleurs. Aujourd’hui, on attend qu’un responsable d’Audi vienne à notre rencontre et nous écoute. On attend aussi que le monde politique se bouge.

Comment votre société serait-elle impactée?

Cleaning Masters fait du nettoyage industriel chez Audi depuis 2014. C’est un chantier important pour l’entreprise. On nettoie les ateliers, les machines, les robots, les cabines de peinture… Cinquante personnes travaillent chez Audi tous les jours. Ces travailleurs, qui ont pour la plupart entre 55 et 60 ans, et qui ont parfois plus de 30 ans d’ancienneté sur ce site, sont inquiets pour leur avenir. Moi, je travaille sur le chantier Audi depuis 1992. Ça va être très difficile de retrouver de l’emploi si le site ferme. Le seul espoir est que l’usine soit reprise. Si elle ferme ses portes, notre avenir est foutu.

Comment votre direction a-t-elle réagi?

Elle a tenté de contacter celle d’Audi, mais elle n’a jusqu’à présent reçu aucune réponse. De notre côté, nous avons contacté notre direction pour que nous soyons payés, comme c’est le cas pour les travailleurs d’Audi. Nous n’avons pas encore reçu de réponse et, plus largement, notre direction ne sait pas répondre à nos questions.

Vous sentez-vous délaissés?

Audi n’est pas officiellement notre entreprise, mais comme tous les sous-traitants, nous nous sentons en faire partie. Nous côtoyons ses ouvriers comme des collègues. C’est aussi le cas des collègues chargés de la sécurité, de la restauration, etc.

Nous subissons la situation encore plus durement que les travailleurs d’Audi, parce qu’on ne nous voit pas. Nous sommes la poussière par terre. Personne ne nous regarde. Il faut que l’ensemble des centrales syndicales, de toutes les couleurs, qui travaillent sur le site, s’allient et portent également des revendications pour les sous-traitants. Il faut que la solidarité joue au plus haut niveau. Nous serons présents à la manifestation du 16 septembre à Bruxelles pour exiger un avenir pour Audi et ses sous-traitants.


Retrouvez en page 16 de ce numéro toutes les informations sur la manifestation prévue le lundi 16 septembre en soutien aux travailleurs et sous-traitants d’Audi.