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L'info n°0421/02/2025

BRUXELLES

«Union européenne, réveille-toi!»

Quelque 5.000 travailleurs européens sont venus réclamer à la Commission européenne un avenir pour l’industrie.

David Morelli


Des manifestants sont venus des quatre coins de l’Europe pour alerter l’UE.

L’Europe traverse ces dernières années une crise majeure de politique industrielle. La vague massive de licenciements, qui a déjà coûté l’emploi de près de 100.000 personnes en Europe au cours des derniers mois, parmi lesquels les travailleurs du site forestois d’Audi, met en péril la survie de l’industrie. Pierre Cuppens, secrétaire général de la CSC bâtiment – industrie & énergie (CSCBIE), est inquiet face à son démantèlement en Belgique. «L’industrie joue un rôle crucial dans notre prospérité. Nous sommes profondément préoccupés, car chaque restructuration et perte d’emploi affecte de nombreux travailleurs et leurs familles. Nous appelons les entreprises et les responsables politiques à collaborer avec nous pour consolider l’industrie en Europe et stopper les restructurations, les délocalisations et les fermetures», explique-t-il. 

Nécessaire solidarité

Face à ce danger, 5.000 travailleurs venus des quatre coins de l’Europe se sont joints à un rassemblement d’IndustriAll, une fédération syndicale internationale de l’industrie, pour exprimer leur inquiétude et exiger que l’Union européenne (ré)agisse. C’est le cas de Gerardo, travailleur dans l’usine Stellantis de Melfi (Italie). «La Commission européenne doit apporter son soutien à ceux qui misent sur la voiture électrique, hybride et endothermique, affirme-t-il. Son indécision n’encourage pas l’achat de voitures: le marché baisse et donc les volumes produits ne sont plus suffisants. En Basilicate, plus de 2.000 travailleurs ont déjà perdu leur emploi.»
«En tant que travailleurs, il faut que nous soyons solidaires,
revendique Bart Deceukelier, secrétaire à la CSCBIE. Si on entre en compétition avec les travailleurs des autres pays, on va être perdant. Les travailleurs doivent avoir leur place dans la politique européenne et être consultés».

Directive sur la transition juste

Le rassemblement a eu lieu sur la place Jean Rey, à deux pas de la Commission européenne, qui doit dévoiler le 26 février son Pacte pour une industrie propre. «Le réveil est tardif, mais il n’est pas encore trop tard, déclare Lahoucine Ourhribel, secrétaire général de la CSC Metea. L’Europe a été naïve et passive. Elle a délocalisé un certain nombre d’entreprises dites “stratégiques” vers l’Asie et les États-Unis. Il faut arrêter l’hémorragie et consolider l’industrie encore présente en Europe, tout en la transformant pour qu’elle réponde aux défis numériques et environnementaux. On ne peut pas bâtir sur un désert industriel. L’Europe doit impérativement garantir son autonomie stratégique et s’assurer que les entreprises disposent d’une énergie abordable pour préserver leur compétitivité et leur ancrage sur le continent».

Un constat partagé par Esther Lynch, secrétaire générale de la Confédération européenne des syndicats (CES), qui plaide pour l’inclusion d’une directive sur la transition juste dans le Pacte, qui est, selon elle, «essentielle pour garantir que les travailleurs façonnent la transition plutôt que d’en subir les conséquences».

Une délégation syndicale a été reçue par les commissaires européens à la Stratégie industrielle et aux Droits sociaux et emploi, qui ont marqué leur accord sur l’urgence de préserver la capacité industrielle et les emplois. La délégation leur a rappelé ses exigences: tout soutien à l’industrie doit être assorti de conditionnalités sociales pour maintenir l’emploi.


© David Morelli