La CSC wallonne et francophone a pris position sur la déclaration de politique régionale (DPR) et communautaire (DPC) de la coalition Bleu-Azur (MR et Les Engagés). Synthèse en 11 points.
D. Mo.
La CSC condamne le fait que cette coalition délègue son rôle de réduction des inégalités à la seule responsabilisation des personnes en situation plus précaire et propose une société qui oppose artificiellement travailleurs et chômeurs, mamans qui travaillent et chômeuses seules avec enfant(s), travailleurs en bonne santé et travailleurs malades, etc. La CSC rappelle les intérêts communs qui unissent tous nos membres.
La CSC prend acte du souhait Bleu-Azur de suivre strictement les cadres budgétaires européens tout en promettant 700 millions de réductions d’impôt. Cependant, les défis actuels imposent un usage volontariste des leviers budgétaires et fiscaux pour réduire les inégalités et financer les conditions du bien-vivre: transition juste, emploi de qualité, service public et collectifs non-marchand, logement… La DPR en prend l’exact contrepied en baissant drastiquement les recettes issues de la fiscalité patrimoniale. La CSC, elle, défend une approche volontaire des droits d’enregistrement: il est possible de soutenir l’accès à la propriété par des réductions ciblées en faveur des jeunes, des familles monoparentales… sans plomber pour autant les recettes de la Wallonie. La digitalisation et la réduction de la fonction publique ne permettront pas de résoudre l’équation budgétaire posée par ce gouvernement.
Alors que le plan de relance, dans lequel le MR a inscrit ses priorités, visait à répondre au triple objectif de développement économique, social, et écologique, la majorité entend le recentrer sur le seul objectif économique. Elle entend assouplir les conditionnalités en termes de création d’emploi de qualité et de contribution à la résilience écologique pour mieux aiguiller l’investissement public vers les dividendes de l’économie actionnariale. La vision d’une économie portée par la seule économie productive et marchande permettant de financer le service public et la solidarité est une idée contestée par les faits.
La dette écologique est tout simplement ignorée. Toute politique environnementale et écologique est subordonnée aux enjeux premiers de développement économique. En matière d’énergie, la solution technologique mise en avant relève de la pensée magique, et la sobriété n’est jamais considérée, sinon pour promouvoir des biens connectés intelligents.
Il est possible de soutenir l’accès à la propriété par des réductions ciblées sans nécessairement plomber les recettes de la Wallonie.
Les politiques de l’emploi sont réduites à du subside non conditionné aux entreprises, à de la contrainte accrue sur les demandeurs d’emploi, étudiants, allocataires sociaux, migrants, axés sur le seul enjeu des «pénuries». En Wallonie, où le chômage structurel reste important, les défis sont le faible nombre d’offres d’emploi et leur grande précarité. Pourtant, ce gouvernement ne s’engage pas à réguler les activités économiques pour qu’elles correspondent aux besoins essentiels et aux compétences de la population. La CSC peine à voir une réelle prise en compte de la problématique de l’emploi de mauvaise qualité, cause première des métiers en tension, et qui aboutit au fait que, pendant qu’on crée trois emplois en Wallonie, deux travailleurs deviennent malades de longue durée… Sans compter la croyance aveugle accordée au secteur marchand privé, supposé être nettement plus efficace pour intégrer les demandeurs d’emploi sur le marché de l’emploi.
Face à l’austérité budgétaire qui s’annonce, la protection sociale wallonne et francophone ne pourra jouer son rôle que de manière plus réduite. Le défi du vieillissement de la population wallonne n’est pas pris en compte à sa juste mesure. Si la CSC salue le retour du projet d’assurance autonomie, elle est extrêmement préoccupée par les intentions de révision des allocations familiales pour les jeunes de plus de 21 ans, le souhait de développer l’offre commerciale de milieux d’accueil de l’enfance, l’absence d’ambition pour le développement du logement public, ou encore le sort réservé aux migrants, réduits à de la main d’œuvre corvéable pour les quelques métiers en besoin. Les politiques de la petite enfance semblent aussi prendre un virage dangereux pour les enfants issus de milieux plus précarisés.
L’enseignement est la cible de toutes les attaques bleues-azur. La lutte contre les inégalités scolaires et le marché scolaire semble être délibérément abandonnée. Filiarisation précoce, évaluations certificatives, le nouveau gouvernement veut refaire de l’école la fidèle reproductrice des inégalités sociales. Même la gratuité et les moyens «d’encadrement différencié» sont remis en question. La CSC craint que l’école ne soit réduite à l’objectif d’insertion professionnelle et de sensibilisation au monde de l’entreprise. Même la promotion sociale semble devoir se ranger aux objectifs d’adéquation aux besoins du «marché du travail».
La démocratie a besoin de culture et de débats critiques, à tous les niveaux. La CSC craint une intention de développer une démocratie purement formelle, aseptisée. La culture et le monde associatif devront-ils marcher selon la seule musique gouvernementale?
Ce gouvernement n’a pas pris le tournant de la mobilité qu’impose le contexte écologique et social. Les aéroports et le grand prix de Francorchamps bénéficieront de bien plus d’attention que les ports fluviaux, les transports en commun, la mobilité partagée et la mobilité douce. Le tout électrique sera favorisé, alors que ce marché reste inaccessible pour la plupart des ménages.
Les enjeux globaux sont abordés sous la seule perspective locale et économique, dans une dynamique peu coopérative. Ce gouvernement entend docilement suivre les dynamiques d’accords de commerce et d’investissement, mettant de côté les engagements sociaux, environnementaux et de développement durable, de même que les normes de l’OIT.
Fusion, simplification, optimisation, modernisation, réformes (entre autres du Forem)… La concertation sociale est au menu de cette législature. La CSC mettra toute son énergie à défendre une vision forte de la démocratie sociale. Cependant, lorsqu’elle lit que le développement de nouveaux accords pour les secteurs non marchands sera laissé à la seule discrétion du gouvernement, tout comme la définition des objectifs et des budgets, elle ne peut que s’inquiéter de la place laissée au dialogue social et à la possibilité pour les organisations syndicales d’exprimer les réalités du terrain.
Enfin, même si les débats fédéraux ne sont à ce stade que des intentions, la CSC appelle Les Engagés à ne pas s’enfoncer davantage dans une direction antisociale qui ne pourra qu’aboutir en une opposition systématique des militants CSC.
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