Le dossier

L'info n°0909/05/2025

Risques psychosociaux au travail: attention au piège de l’approche individuelle!

Dans un monde du travail en mutation constante et sous pression, les travailleurs perdent de plus en plus leurs repères et ce qui fait sens pour eux dans leur travail. Depuis quelques années, les risques psychosociaux (RPS) figurent donc logiquement en haut de la liste des causes des incapacités de travail de longue durée.

Laurent Lorthioir

Pour répondre à ce phénomène, le gouvernement Arizona mise sur la menace (financière) afin de contraindre les travailleurs malades à reprendre coûte que coûte le travail. Ce faisant, il passe à côté de la principale solution pouvant apporter des résultats positifs: la prévention collective. En effet, il ne s’intéresse pas aux causes du mal-être des travailleurs, mais bien uniquement à leurs conséquences… sur la sécurité sociale et son financement! En matière de RPS comme pour d’autres types de risques (ergonomiques notamment), c’est une grave erreur que les travailleurs paieront au prix fort.

Vous êtes stressé! Mais au fait, est-ce que vous mangez et dormez bien?

Alors que certains employeurs tentent réellement de mettre en place une politique collective de prévention des RPS dont ils récolteront les fruits au fil des années, d’autres, et ils sont nombreux, préfèrent une approche individuelle de la question. C’est ainsi que l’on voit se multiplier des offres diverses de «coaching» pour les travailleurs: comment gérer son stress, comment être plus résilient, comment manger sainement, comment mieux dormir etc. L’objectif poursuivi est toujours le même: se sentir mieux/bien pour être plus productif, plus rentable, plus efficace. L’approche est toujours la même: implicitement, le travailleur est responsable de son bien-être puisqu’en pratiquant plus de sport et/ou de la méditation, en mangeant sainement, en dormant mieux, il ira mieux, il sera plus heureux (et donc plus performant).

Il est important de se méfier de tout type d’approche du bien-être qui mise uniquement sur l’individu. Des pratiques telles que le yoga et la méditation peuvent avoir des effets très positifs sur une personne, mais elles doivent plutôt relever d’un choix, d’une approche personnelle de sa santé et donc avoir lieu le plus possible en dehors de la sphère professionnelle.

Ne nous y trompons pas, le fait d’individualiser au maximum la politique de prévention n’est pas le fruit du hasard. Elle est le résultat d’une approche néo-libérale de la question du bien-être des travailleurs: chaque individu doit se gérer comme une entreprise, prendre donc (seul) les décisions qui auront pour effet d’améliorer son bien-être. S’il ne prend pas les «bonnes» décisions et que son bien-être en est affecté, il est le seul fautif et doit en assumer (toujours seul) les conséquences. On voit immédiatement les avantages de cette approche pour les employeurs: alors que la législation bien-être les désigne comme responsable du bien-être des travailleurs, la multiplication des approches individualisantes du bien-être au travail les dispense de toute responsabilité directe.

Analyser les causes structurelles

Si toutefois un employeur souhaite proposer ce type d’«aide» à ses travailleurs, elle ne doit venir qu’en complément d’une politique de prévention collective qui va quant à elle analyser les causes structurelles du mal-être des travailleurs et tenter d’y apporter des solutions collectives.

En effet, dans le cas de la prévention du burnout par exemple, le Conseil supérieur de la santé (CSS) (1) affirme ceci: «Pour la prévention du burnout, le CSS recommande d’abord de réfléchir à un changement dans le modèle de société (modèle de la performance), auquel le burnout est largement lié. Il faudrait une organisation du travail plus "soutenable" (…).» Pour ces professionnels de la santé, il n’y a pas de doutes: c’est la façon dont le travail s’organise désormais qui est la cause principale de la souffrance des travailleurs. C’est donc en agissant au niveau collectif que l’on pourra changer les choses.

Pour la prévention du burnout, le CSS recommande d’abord de réfléchir à un changement dans le modèle de société…"


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