Le dernier numéro de L’Info vous présentait une analyse des mesures annoncées par le nouveau gouvernement. Voici la suite de notre décryptage et les commentaires de la CSC face à ces mesures.
Maarten Gerard (adapt. D.Mo.)
Que signifie l’accord de gouvernement pour…
➔ Les chômeurs considérés comme des parias
Les allocations de chômage seront désormais limitées dans le temps, pour un maximum de deux ans. Les personnes qui ont travaillé un an sur une période de trois ans ouvrent le droit à un maximum d’un an. Pour chaque période de 4 mois de travail supplémentaires, le demandeur d’emploi bénéficie d’un mois de chômage supplémentaire. Il existe une exception à la limitation pour les personnes qui ont au moins 55 ans, à condition d’avoir 30 ans de carrière (au moins 156 jours prestés pour chaque année) et 35 ans de carrière en 2030.
La période d’intégration professionnelle (stage d’attente pour les jeunes en fin de scolarité) sera quant à elle limitée à 156 jours. Les allocations d’insertion seront limitées à un an. La dégressivité sera plus stricte et plus rapide, avec une exception pour les personnes qui ont 30 ans de carrière en 2025 (35 ans en 2030). Les chômeurs, principale cible du gouvernement, sont doublement sanctionnés: par la réduction de la durée de leur protection et par la baisse de leurs allocations. Avec les nouvelles conditions de carrière, l’exception pour les 55 ans est une coquille vide. La suppression des ajustements liés au bien-être et de l’avantage fiscal pour les chômeurs ainsi que le durcissement de la dégressivité vont entraîner un appauvrissement direct.
➔ Incertitude quant à l’adaptation des allocations
L’enveloppe bien-être sera supprimée et remplacée par une enveloppe spécifique destinée à augmenter les allocations des personnes en situation de handicap, les malades, les personnes en incapacité de travail et celles en invalidité. Le cumul des aides sociales et des avantages sera plafonné. Une norme pour les allocations devra être élaborée en concertation avec les interlocuteurs sociaux afin qu’elles n’augmentent pas plus vite que les salaires.
La protection sociale va subir de sévères coupes. La suppression de l’enveloppe bien-être entraînera un recul du niveau des allocations par rapport aux salaires. Les allocations minimales, déjà presque toutes inférieures au seuil de pauvreté, vont encore diminuer. La norme pour les allocations pourrait bloquer totalement leur évolution et empêcher toute hausse au-delà du seuil de pauvreté.
➔ Les malades deviennent suspects
Limitation de la dispense de certificat médical de 3 à 2 jours, début plus rapide des actions de (ré)intégration, sanctions pour les malades de longue durée, inscription obligatoire au Forem ou Actiris s’il existe encore des possibilités d’emploi… Et la responsabilité des employeurs? Ils devront payer un tiers de l’allocation pendant 2 mois, avec une dispense pour les PME.
Les malades sont de plus en plus considérés comme des demandeurs d’emploi, avec toutes sortes d’obligations. En revanche, les efforts en matière de prévention et de travail faisable/adapté sont totalement absents de l’accord de gouvernement (sur ce sujet, lire article page 4 et interview page 6).
Bien qu’il soit question d’une demande d’avis pour de nombreuses mesures, certaines sont déjà programmées pour être mises en œuvre et il est prévu que le gouvernement tranchera si un avis sur une réforme n’est pas formulé dans les délais. De plus, les coûts liés aux accords conclus entre interlocuteurs sociaux ne pourront être répercutés, sauf si ceux-ci conviennent avec le gouvernement de compenser ces coûts par des économies. À l’inverse, les dépenses liées aux mesures publiques en matière de sécurité sociale devront impérativement être compensées.
Introduction d’une interdiction de manifester pour les émeutiers, exclusion des interlocuteurs sociaux de la gestion de la Caisse auxiliaire de chômage, diminution de la période de protection contre le licenciement des candidats non élus aux élections sociales… L’accord témoigne d’une profonde méfiance à l’égard des interlocuteurs sociaux, en particulier les syndicats, et ses mesures affaiblissent la position des syndicats dans le cadre de la concertation.
Les entreprises bénéficient d’un paquet d’avantages pour «lutter contre les handicaps concurrentiels»: baisse du coût salarial, entre autres via un plafonnement des cotisations sociales patronales à partir du premier salaire, réforme des plans Plus (première embauche), simplifications administratives, etc.
Pour les employeurs, la compensation débute en 2025. La combinaison des mesures représentera jusqu’à 2 milliards en 2029. Le coût réel pourrait être sous-estimé. Le coût du plafonnement pourrait représenter 250 millions d’euros pour la sécurité sociale. Quoi qu’il en soit, il s’agit de nouvelles réductions de charges considérables, qui viennent s’ajouter aux allègements existants, sans aucune condition liée à la création d’emplois ni au démantèlement d’autres mécanismes de rémunération.
La mesure-phare est la taxe de 10% sur les plus-values (cotisation de solidarité), avec 10.000 euros d’exonération et des exonérations supplémentaires pour les grosses participations. Mais il s’agira de traduire cette déclaration d’intention en texte de loi et en modalités en vue de sa mise en œuvre.
Le gouvernement estime que ces mesures rapporteront au total 1,4 milliard en 2029, auquel s’ajouteraient 800 millions, provenant de la lutte contre la fraude fiscale et sociale. Le principe de la taxe sur les plus-values est certes une avancée, mais son rendement est incertain, avec des exceptions prévues. Reste à savoir quel sera l’effet réel des autres mesures. De manière générale, cet ensemble de mesures demeure très léger.
Le gouvernement De Wever a décidé de supprimer l’enveloppe bien-être. Ce budget permettait aux interlocuteurs sociaux d’améliorer, tous les deux ans, les pensions les plus basses et les plus anciennes, la garantie de revenus aux personnes âgées, ainsi que les allocations les plus basses en matière d’assurance maladie, d’accidents du travail et de chômage. Pour les deux années à venir, un milliard d’euros aurait dû être consacré à ces mesures, dont la plus grande partie était destinée aux pensions les plus basses. Pour des centaines de milliers de personnes vivant avec les pensions et les allocations les plus basses – souvent proches ou en dessous du seuil de pauvreté – cette aide était essentielle.
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