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L'info n°2105/12/2025

Trois jours de grève historiques

Les mesures contenues dans l’accord budgétaire fédéral confirment, malgré quelques ajustements, l’intransigeance du gouvernement face aux revendications des travailleurs. Les trois jours de grève constituaient une réponse légitime et réussie à cette intransigeance.

David Morelli


Parc d’activités économiques de Seilles, Andenne.

On n’avait plus vu une grève d’une telle ampleur depuis «la grève du siècle» de l’hiver 1960-1961. Ces trois jours de grève constituent la réponse au silence du gouvernement suite aux mois de mobilisations et à la manifestation du 14 octobre, qui avait rassemblé plus de 120.000 personnes. Ces mobilisations ont porté leurs fruits: préservation des emplois de fin de carrière et des 104 jours de la première année de carrière pour le calcul de la pension, assimilation des périodes de maladie ou celles des congés pour soins, etc. Cette journée de grève nationale a couronné une année de contestation avec, au cœur des inquiétudes, la suppression des prépensions, l’obligation de travailler jusqu’à 67 ans, la non-prise en compte des carrières pénibles, la flexibilité accrue, etc. Toutes ces mesures brisent la confiance des citoyens dans les responsables politiques. C’est dans ce contexte que les travailleurs des transports et des services publics ont montré leur mécontentement en faisant grève les 24 et 25 novembre, comme prélude à la grève nationale du 26 qui a mobilisé, dans tout le royaume, l’ensemble des secteurs publics et privés. De nombreux piquets ont bloqué les entrées des zonings industriels, des entreprises et des commerces, afin de rappeler au gouvernement que sans eux, l’économie ne tourne pas. À titre d’exemple, plus de 210 piquets de la CSC Alimentation & Services, et plus de 250 piquets dans les secteurs du métal et textile ont ralenti le Nord et le Sud du pays. Plus de 70 piquets étaient dénombrés à Bruxelles. Marie-Hélène Ska, la secrétaire générale de la CSC, a rendu visite à plusieurs lieux de grève pour apporter son soutien aux grévistes.

Inquiétudes et détermination

Sur les piquets, l’inquiétude fait désormais place à la colère face aux mesures prises en matière de pension. Le malus pension, l’augmentation des accises sur le gaz et le double saut d’index partiel sont sur toutes les lèvres. «Est-ce qu’on est riche quand on gagne 2.600 euros par mois?». Mais les travailleurs présents sur les piquets restent motivés à se battre pour faire reculer le gouvernement. Le témoignage d’un travailleur interviewé par L’Info résumait bien la situation: «J’ai l’impression que le gouvernement n’invite plus les syndicats autour de la table. Il faut pourtant qu’il les écoute parce qu’un syndicat, ce n’est pas seulement un contre-pouvoir: ils connaissent bien les travailleurs et ont besoin d’être entendus.»
«Les syndicats, eux, ont entendu le message du monde du travail, annonce la CSC. La réussite des trois jours de grève nous oblige à réfléchir à la suite à donner au mouvement social.»

Plus de 210 piquets de la CSC Alimentation & Services, et plus de 250 piquets dans les secteurs du métal et textile ont ralenti le Nord et le Sud du pays.


«Aujourd’hui, je travaille, mais je pourrais être au chômage demain. Les travailleurs de Cora et d’Air liquide n’ont pas demandé de perdre leur emploi. Chaque travailleur peut un jour devenir chômeur. Il y a des abus, comme partout, mais ça reste une minorité. Le gouvernement doit arrêter de généraliser l’image fausse du chômeur-profiteur.»


Hydrométal Engis, Liège.


«Avec notre régime de pension préférentiel, on est particulièrement visés. C’est pourtant une juste rétribution pour la pénibilité du travail: le personnel roulant a des horaires qui changent tous les jours avec des matins très tôt, la nuit très tard, les week-ends et jour fériés, etc. Travailler jusqu’à 67 ans, ce serait littéralement travailler 12 ans de plus pour 300 à 400 euros de pension en moins.»


Ligue des travailleuses domestiques, Bruxelles.


«Le travail de nuit, on s’y opposera parce que sinon on créera une très forte discrimination entre les anciens et les nouveaux travailleurs. C’est une attaque de plus contre les travailleurs.»


Aéroport de Charleroi.


«Avec la flexibilisation du marché de l’emploi, on pourrait avoir des contrats de deux ou trois heures dans le secteur des titres-services. C’est insupportable si on veut avoir une vie de famille.»


Zoning de Marche.


«Les travailleurs refusent le malus pension car certains voudraient s’arrêter plus tôt. On voudrait garder les prépensions car le corps est usé à force de faire toujours les mêmes mouvements. Je dois encore travailler sept ans pour aller jusqu’au bout de ma carrière et avoir mes 45 ans de service. Aujourd’hui, je me sens capable de les faire, mais on sait très bien que ce sont les dernières années qui sont le plus à risque au niveau santé.»


© CSC Namur-Dinant, CSC Liège, CSC Bruxelles, CSC Charleroi – Sambre & Meuse, CSC Luxembourg