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L'info n°0913/05/22

“On a vraiment besoin de témoignages de bonnes pratiques”


Après deux ans de pandémie, la Belgian pride fait
son comeback
ce 21 mai à Bruxelles.

Si en Belgique, les luttes contre les discriminations à l’encontre des personnes homosexuelles ont abouti à une reconnaissance accrue de leurs droits, les discriminations qui s’exercent à l’encontre des personnes transgenres/aux genres fluides et intersexes passent encore largement sous les radars. Max est un des membres fondateurs de Genres Pluriels, association qui tente de visibiliser et de lutter contre les discriminations qui touchent, entre autres, au travail. Rencontre avec ce psychologue-formateur de 48 ans qui a vécu lui-même ce type de discriminations.

Propos recueillis par David Morelli

Quels services propose votre association?

Genres Pluriels, ce sont cinq personnes salariées qui informent, visibilisent et soutiennent les personnes trans*. Nous proposons des formations professionnelles, entre autres autour de questions juridiques, d’emploi, de droits humain, de santé sexuelle… Nous organisons également des suivis individuels aux personnes trans* et inter*, mais nous nous adressons également à l’entourage au sens large: parents, amis, collègues… J’ai déjà reçu des travailleurs et des travailleuses qui venaient en entretien individuel pour avoir des informations afin de mieux accompagner leur collègue trans* confronté.e à des difficultés au travail.

Vous recevez beaucoup de plaintes de personnes qui subissent des discriminations en raison de leur transidentité au travail?

On en reçoit une dizaine par an. Mais c’est le sommet de l’iceberg car, comme pour les autres formes de discrimination, il y a un chiffre noir, c’est-à-dire toutes les discriminations qui n’ont pas fait l’objet de plainte, car les personnes n’osent pas ou ne savent pas qu’elles peuvent porter plainte. Il faut qu’elles soient conscientes que leur situation est une discrimination et qu’elles ne minimisent pas ce qui leur arrive. Lorsque, dans le cadre d’une discrimination ou d’un coming out, les personnes abordent l’aspect professionnel, nous les renvoyons systématiquement vers les syndicats.

Les délégations syndicales sont-elles bien informées sur les spécificités de ces discriminations?

Beaucoup de situations proviennent du fait que peu d’employeurs sont bien informés. Notre travail premier est de prendre le pouls de leur niveau d’information… et il est très bas. Il y a donc une mission de médiation à réaliser et c’est là qu’un partenariat avec un syndicat est extrêmement important. Mais il y a néanmoins également du travail à faire en matière de formation dans les délégations syndicales: il y a parfois aussi des discriminations transphobes de la part des représentants syndicaux, par méconnaissance, sans prise de conscience de la – possible - discrimination. Cette nécessaire (in)formation est en train d’être structurée avec le service Diversité de la CSC au niveau national.

L’environnement professionnel est-il globalement réceptif ou hostile aux personnes trans*?

On n’entend pas parler de ce thème quand ça se passe bien et c’est dommage car on a vraiment besoin de témoignages de bonnes pratiques. Il faut faire des choses pour que cela se passe bien! Il faut, tant au niveau syndical qu’au niveau des employeurs, comprendre comment faire en sorte pour que cela se passe bien. Quand on ne fait rien, cela se passe souvent plutôt mal.

Les discriminations transphobes sont-elles suffisamment développées dans les médias?

Non. Ils surfent sur des sujets spectaculaires en utilisant des expressions discriminantes et fausses scientifiquement. C’est extrêmement problématique car cela porte préjudice aux personnes, même lorsque la démarche est bienveillante. Il y a une nécessité de formation correcte pour pouvoir présenter les sujets en lien avec les questions trans*, notamment en termes de discrimination du travail. 

Avec le temps, la situation s’améliore-t-elle pour les personnes trans*/inter*?

On vient de 100 kilomètres sous terre! La situation était catastrophique. Aujourd’hui, elle s’améliore: on est à la cave et on avance tout doucement vers le rez-de-chaussée. On l’atteindra quand la population sera capable de s’adresser à une personnes trans* en utilisant les bonnes terminologies et expressions: s’adresser à la personne comme elle le désire, utiliser son bon prénom et ne pas prendre un temps infini en excuses lorsque l’on se trompe de prénom. Par respect de la personne, il faut que ce type d’erreur devienne un non-événement…. On a encore un tas d’étapes à franchir avant d’aboutir à la disparition du mégenrage ou encore, en entreprise, à la fin des refus d’aménagements raisonnables pour les douches et les vestiaires, par exemple.