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Le dossier

L'info n°0913/05/22

Témoignages
La discrimination homophobe
au quotidien

Sensible au sentiment d’impuissance parfois ressenti par les victimes de comportements homophobes, la CSC Mons-La Louvière lançait, en 2020, un appel à témoins visant à permettre aux victimes qui le souhaitaient de s’exprimer sur leur vécu. Parmi les témoignages reçus, plus ou moins alarmants, se trouvaient ceux d’Antoine et de Nicolas (prénoms d’emprunt).

Antoine: “On s’inquiète pour ses proches”

“J’ai un caractère bien trempé, cela m’a protégé. Je réponds du tac au tac si on m’insulte. À l’école secondaire, j’ai des eu des conflits. Mais cela touche toutes les minorités, les personnes de plus fortes corpulences, de différentes origines…” Grâce à son tempérament, Antoine n’a jamais eu de véritables problèmes durant sa carrière professionnelle. “Au travail, pour mes premiers jobs étudiants, j’ai bossé en boucherie dans la même entreprise que mon papa. Ce qui me dérangeait davantage, c’étaient les remarques misogynes, car elles vous confrontent à votre propre sexualité”. Ce qui lui mettait davantage de pression à l’époque était davantage lié à sa famille. “Je me tracassais plus par rapport à mon papa qui est dans la même entreprise. On s’inquiète plus par rapport à ses proches, même si le noyau familial l’accepte, nous n’avons pas envie qu’il soit pointé du doigt par rapport à cela”.

Un départ de Mons vers Bruxelles

Antoine a décidé de quitter Mons pour se rendre dans la capitale. “Je m’y sens mieux, comme on pose moins de questions. Je n’ai pas envie de toujours me justifier. Il y a également le mode de vie qui me convient mieux, les minorités sont moins des minorités dans une grande ville. Quand je me rends dans un bar à Mons, tout le monde se connaît, je ressens un jugement. À Bruxelles, il y a moins l’effet de village. Dans les grandes villes, c’est plutôt inclusif. Tout le monde se rend vers la capitale, les communautés sont plus grandes. On est mieux protégés, on se sent plus en sécurité”. Au niveau professionnel, Antoine s’est spécialisé dans le secteur de la mode. “J’ai travaillé dans le secteur de l’habillement. Peu importe le niveau social, que ce soit du luxe ou du prêt-à-porter, je me suis toujours senti accepté. Nous travaillons sur une expression visuelle. Il y a de la diversité, les personnes sont confrontées au changement lié au milieu de la mode. Les personnes que j’ai côtoyées se remettent en question. Dans mon milieu artistique, personne ne se pose la question sur le mode de vie de tout un chacun. Cela n’a jamais posé de problèmes. Ma sexualité n’a jamais été la première question”. C’est différent pour son compagnon qui a grandi à Bruxelles. Son expérience à l’école et au boulot est totalement différente.

Nicolas: “J’essaye de cacher mon homosexualité”

Nicolas travaille dans le secteur automobile. En 2019, il croise avec son mari un collègue dans un commerce. Immédiatement, l’ensemble du personnel a été courant qu’il était gay. C’est le début de ses problèmes. Il est victime d’insulte et est associé à un pédophile. Une partie de sa hiérarchie demande aux apprentis et aux stagiaires de ne pas travailler avec lui. Cela a des répercussions sur sa santé.

“J’ai pris des antidépresseurs. Mais cette médication ne me convenait pas. Je prenais du poids. La seule manière de m’évader et de penser à autre chose est de faire du sport ou de m’occuper de mon véhicule sportif”. Un dossier a été ouvert au sein du service psychosocial du secrétariat social de l’employeur. Il a démontré que Nicolas est une victime. Au bout de cette procédure, le responsable de ce harcèlement a juste reçu un avertissement.

“Je cache mon homosexualité”

Hélas, ce n’est pas la première fois qu’il est victime d’homophobie sur son lieu de travail. Il y a 8 ans, il a été agressé physiquement. Nicolas a eu 15 CDD et 10 CDI. “J’essaye de cacher mon homosexualité, mais cela finit par se savoir. Le service psychosocial m’a recommandé de changer de secteur. Après 20 ans, ce n’est pas possible. Avant, mon métier était une passion. Maintenant, j’y vais pour gagner ma vie. Je pensais qu’avec l’intervention du secrétariat social, les choses changeraient. Mais rien n’a évolué”. Son mari n’a pas été victime d’homophobie dans son milieu professionnel, mais cela a des impacts également sur sa santé.