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L'info n°0818/04/2025

«Devons-nous craindre d’aller manifester?»

La CSC Transcom s’interroge… Après la crainte de se rendre librement à un marché de Noël, à un Carnaval, voir un feu d’artifice, devons-nous maintenant craindre d’aller manifester?

Lorenzo Marredda

Carte blanche

«Ce lundi 31 mars 2025, deux militants syndicaux ont été violemment heurtés par une voiture sur un piquet de grève. Il ne s’agissait pas d’un accident, mais bel et bien d’un acte délibéré! Pourquoi tant de vindicte contre des militants occupant les innombrables piquets installés dans divers lieux stratégiques, dont l’objectif est de défendre les droits des citoyens, en commençant par celui de vivre une vie conforme à la dignité humaine? 

Je ne peux m’empêcher de faire le lien entre cet acte délibéré et d’autres incidents similaires où un individu a foncé dans une foule, que ce soit lors des événements dramatiques de Strépy, lors d’un marché ou d’autres activités publiques, en Belgique ou à l’étranger. Ces actes ont été unanimement condamnés. Ce n’est pas du tout le cas cette fois-ci. Bien au contraire, au regard des commentaires écœurants que l’on retrouve sous les articles de presse ce 31 mars. «Moi, je serai passé dessus 4 fois», pouvait-on lire dans un commentaire sur Facebook. Ou encore, «Ils n’ont que ce qu’ils méritent», «Bien fait!».

Comment se fait-il que cet appel à la violence, à la haine et au meurtre ne soit pas systématiquement condamné? Pourquoi est-il nécessaire de déposer une plainte alors que cette simple phrase exprime clairement l’intention de nuire à des personnes identifiées? Oui pour la liberté d’expression, bien évidemment. Mais la liberté des uns ne commence-t-elle pas avec celle des autres? En démocratie, il nous semble important d’encourager les débats afin qu’exprimer ses opinions puisse se faire dans la dignité et de la sécurité d’autrui. Encore faut-il que chacun veuille y participer.

Mais revenons à l’acte en lui-même. Nous nous interrogeons sur l’approche qui a été faite par le public. Au vu des différents témoignages, il ne fait aucun doute que le chauffeur à Verviers, après s’être arrêté, a forcé le passage en fonçant sur le piquet occupé par des manifestants, utilisant ainsi son véhicule comme une arme.

La grève ne doit pas être perçue comme un champ de bataille, mais comme une symphonie de voix unies. C’est un moyen pour, d’une part, obliger les politiques ou les employeurs à revenir à la négociation quand ils le refusent, et d’autre part, d’interpeller l’ensemble de la population sur le fait que ses droits sont menacés.

C’est bien pour cela que les militants se mobilisent et appellent à la mobilisation de l’ensemble de la population. Ces personnes investissent de leur temps, en se mettant en danger au sein même de leur entreprise, pour défendre des intérêts collectifs. Faut-il rappeler que nous dénonçons la réduction des acquis de l’ensemble travailleurs et des allocataires sociaux, les politiques voulant leur faire porter le poids de l’économie de 23 milliards d’euros. Ils vous promettent 100 euros en plus, cela vous en coutera environ 3.200 euros, c’est-à-dire le salaire médian mensuel en Belgique, sans compter tous les effets encore non mesurés des mesures décidées. Ce qui est révoltant, c’est que cette violence gratuite ne semble plus susciter d’indignation, et que l’on cherche même à excuser le chauffard responsable.

Ce jour-là, j’ai visité différents piquets. J’y ai observé toutes sortes de réactions. Beaucoup soutenaient l’action, et je les en remercie. Certains étaient contrariés, voire énervés, mais sans agressivité, en tout cas pas au-delà des mots. D’autres avaient un comportement dangereux, mais sans intention de blesser. Et puis, il y avait tout de même quelques cas isolés, comme celui de Verviers, où le véhicule devenait un instrument de rapport de force et d’intimidation.

La grève ne doit pas être perçue comme un champ de bataille, mais comme une symphonie de voix unies. C’est un moyen pour, d’une part, obliger les politiques ou les employeurs à revenir à la négociation quand ils le refusent, et d’autre part, d’interpeller l’ensemble de la population sur le fait que ses droits sont menacés.

Dans quel monde vivons-nous?

Ne voulons-nous pas tous la même chose: pouvoir vivre dignement?! Rappeler aux politiques que cette tâche est constitutionnellement de la responsabilité de l’État ne mérite ni menace, ni acte de violence. Faudra-t-il attendre un mort et le pleurer pour que les gens s’indignent et que la justice réagisse plus rapidement? Heureusement, nous sommes loin de la situation de plusieurs pays dictatoriaux où les syndicalistes sont emprisonnés, violentés, assassinés par les pouvoirs en place. Je n’ai d’ailleurs entendu aucune réaction violente des politiques contre les grévistes. Même si certains de ceux-ci prennent des positions visant à réduire le droit à faire grève ou encore lâchent des commentaires ridicules et réducteurs à l’image de ceux qui les profèrent.

Est-il encore utile de rappeler que les syndicats belges jouent un rôle crucial dans l’amélioration des conditions de travail grâce à leurs luttes et grèves? Ces avancées ont non seulement amélioré la qualité de vie des travailleurs, mais ont également contribué à une société plus juste et équitable. Rappelons aussi que l’organisation syndicale n’est pas définie par sa structure, mais par les travailleurs et les allocataires sociaux qui en font partie. Ils méritent, nous méritons, le respect pour cela.

Plutôt que de nous entre-déchirer, ce qui faciliterait le travail des différents gouvernements en Belgique, j’invite l’ensemble des travailleurs et allocataires sociaux à s’unir pour participer aux actions organisées en avril dans les différents secteurs et à la grève nationale du 29 avril 2025.

Au lieu de de nous heurter les uns aux autres, comme le souhaite le gouvernement Arizona, roulons plutôt ensemble vers la même direction!»


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