Audi, symptôme de la «tempête parfaite» du secteur automobile
Nos collègues de la centrale Metea font un état des lieux d’Audi à l’aune du contexte de crise des constructeurs automobiles européens.
Le site d’Audi à Bruxelles va probablement se retrouver sur la douloureuse liste des usines automobiles fermées, avec Ford Genk, Opel Anvers et Renault Vilvorde. Il ne reste actuellement plus que Volvo Cars à Gand pour l’assemblage des voitures particulières en Belgique.
Le site de Forest a réalisé de solides bénéfices ces dernières années, bien que la production ait progressivement diminué. Ainsi, l’année dernière, l’usine a produit plus de 53.000 Q8 e-tron. Cette année, elle n’en produira que 20.000 à 25.000 maximum. L’année prochaine, les 8.000 dernières Audi bruxelloises seront produites. La maison mère Volkswagen a également fait état de mauvais chiffres cet été et doit faire face à l’assainissement la plus difficile de ses 90 ans d’histoire: pour la première fois, les usines en Allemagne risquent notamment de fermer.
19%
des voitures dans le monde étaient produites en Europe en 2022, contre 28% dix ans plus tôt.
L’année dernière, une onde de choc a déferlé sur les constructeurs automobiles européens. La production a fortement chuté. Selon l’organisation sectorielle Acea, en 2011, 28% des voitures produites dans le monde l’étaient encore en Europe. Ce chiffre n’était plus que de 19% en 2022 – et les ventes et la demande de voitures ont également chuté de manière spectaculaire. En outre, le commerce avec la Chine devient de plus en plus difficile, des tarifs d’importation ayant même récemment été mis en place. À cela s’ajoutent la disparition de l’énergie bon marché provenant de la Russie et l’augmentation des coûts climatiques pour l’industrie. Enfin, la Chine et l’Amérique, entre autres avec Tesla, sont en tête dans la course aux voitures électriques et à l’industrie des batteries y afférente, et non l’industrie européenne. Bref, «la tempête parfaite».
En outre, des problèmes spécifiques sont apparus pour l’usine Audi. D’une part, la surcapacité systématique d’au moins 10% au sein du groupe et, d’autre part, outre la baisse générale de la demande de voitures électriques, il y a la concurrence interne de la Q8 avec la Q6. Cette dernière est moins chère, plus puissante et plus moderne, ce qui fait que son grand frère n’est pratiquement plus vendu. À cela s’ajoutent bien sûr des coûts de logistique et de production qui pèsent lourd pour ce site bruxellois.
Malheureusement, Audi n’est pas un cas isolé: l’ensemble de l’industrie (manufacturière) est durement touché. C’est pourquoi la CSC Metea travaille à une concertation de qualité avec les employeurs, les autorités, les experts… sur la politique industrielle, où 10 priorités sont mises en avant:
1. Une politique industrielle intégrée et durable. Il s’agit d’une question qui concerne les autorités, les syndicats et les entreprises et qui doit être intégrée à différents niveaux (régional, fédéral et européen). Un accent important est mis sur la neutralité climatique.
2. La participation des (organisations de) travailleurs. Le dialogue social comme atout: éviter un seul plan et organiser une concertation sociale permanente au niveau de l’entreprise, du secteur et de la politique, afin que la justice sociale et l’emploi soient ancrés dans toutes les facettes de la politique industrielle. Cela permet également d’augmenter le soutien.
3. Investir dans une société du savoir. Miser sur l’apprentissage tout au long de la vie, la formation et le développement et l’amélioration des futures capacités. Cela garantit un emploi à tous les travailleurs et contribue à la compétitivité de l’entreprise.
4. Une R&D avec une grande valeur sociale. Investir davantage dans l’innovation. C’est l’un des principaux moteurs de la politique industrielle. Adopter une approche large d’innovation, liée à la transparence, à la participation, à la production industrielle locale et à des emplois de qualité.
5. Un financement avec des conditions sociales. Utiliser la pertinence sociale et économique comme point de départ pour attribuer des aides publiques aux entreprises. Cela va de pair avec la durabilité, la transparence, l’ancrage local et la participation. En outre, les chèques en blanc, les courses aux subventions entre pays et l’assouplissement des règles en matière d’aides d’État ne sont pas souhaitables.
6. Une concurrence (inter)nationale équitable dans tous les domaines (social, économique, environnemental…). Prendre des mesures pour créer des conditions de concurrence équitables, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Europe. Cela inclut le respect de la chaîne de valeur (Due Diligence) et l’emploi local dans le cadre de la ratification des accords de libre-échange. Un financement et une coordination européennes sont nécessaires pour y parvenir.
7. Une politique énergétique tournée vers l’avenir. Garantir l’investissement dans un réseau d’infrastructures et un bouquet énergétique qui entraînent une sécurité énergétique abordable et durable.
8. Un gouvernement offensif. Il crée des conditions préalables et un cadre réglementaire pour investir dans des projets durables avec un soutien social. Un gouvernement qui utilise ses marchés publics pour encourager une industrie respectueuse du climat et locale.
9. Une autonomie stratégique. La capacité de maintenir et de contrôler la chaîne d’approvisionnement, afin que les entreprises flamandes deviennent moins dépendantes des autres. Due diligence (le devoir de vigilance) et les marchés publics jouent un rôle important à cet égard.
10. L’économie circulaire. L’élaboration de chaînes de valeur circulaires et de plans de transition qui s’engagent à créer des emplois industriels durables.
© Shutterstock