En avril 2024, le Parlement européen approuvait le Pacte sur l’asile et la migration. Derrière le progrès annoncé, c’est une dégradation conséquente du respect des droits fondamentaux des migrants qui se profile.
David Morelli
Cette réforme majeure de la politique migratoire de l’Union européenne, dont l’entrée en vigueur est prévue pour 2026, vise à instaurer un mécanisme de solidarité obligatoire entre les États membres face à la pression migratoire. Les pays les plus touchés par les arrivées de migrants (l’Italie, la Grèce et l’Espagne) recevraient dès lors un soutien accru de la part des autres États membres dans l’accueil et l’intégration des demandeurs d’asile.
Tel que présenté par l’Union européenne, le Pacte vise également à uniformiser les procédures de traitement des demandes d’asile et à améliorer leurs conditions d’accueil. Il introduirait des procédures accélérées pour les migrants venant de pays à faible taux d’octroi du statut de réfugié et abolirait le règlement de Dublin, qui rend les pays d’arrivée responsables de l’examen des demandes d’asile. Un mécanisme de solidarité flexible permettra la relocalisation des demandeurs d’asile via la contribution financière ou le soutien opérationnel entre États membres.
À la lecture de ce qui précède, le Pacte peut sembler constituer une avancée pour aboutir à une politique migratoire cohérente et équitable pour l’ensemble des États membres. En réalité, pour la CSC, ce pacte qui prétend concilier responsabilité et solidarité, est «désastreux» et «constitue avant tout un moyen de sélectionner une immigration choisie» via une approche répressive «qui criminalise la migration et qui va dans le sens d’une fermeture des frontières». Cette approche risque d’aboutir à une dégradation conséquente du respect, déjà problématique, des droits fondamentaux des migrants.
Succinctement, le Pacte propose de renforcer les contrôles aux frontières extérieures de l’Union européenne et de faciliter les procédures de retour des migrants économiques irréguliers. En ce qui concerne le règlement de Dublin, il a juste été modifié. Le mécanisme de «solidarité» permet au pays de se dédouaner de l’accueil en renvoyant les demandeurs vers le pays d’entrée en payant un montant forfaitaire. À l’entrée, il prévoit de nouvelles procédures de détention, de filtrage et de traitement accéléré des demandes, précarisant le droit d’asile. À titre d’exemple, lors de l’arrivée des migrants aux frontières de l’UE, des modalités accélérées de traitement des dossiers pour les arrivants qui viennent d’un pays pour lequel le taux d’octroi du statut de réfugié est inférieur à 20%. Ces personnes seront retenues dans des centres d’enregistrement pour une procédure qui pourra durer jusqu’à six mois.
La nouvelle procédure vise également les personnes sans-papiers via une augmentation des contrôles policiers aux frontières dans les pays de seconde arrivée. Les Pays-Bas vont sans doute emboîter le pas à l’Allemagne, qui a déjà commencé le mois dernier à effectuer ces contrôles frontaliers.
En réalité, pour la CSC, ce pacte qui prétend concilier responsabilité et solidarité, est «désastreux» et «constitue avant tout un moyen de sélectionner une immigration choisie» via une approche répressive «qui criminalise la migration et qui va dans le sens d’une fermeture des frontières».
La montée en puissance de l’extrême droite dans l’UE contribue à ce durcissement de la politique migratoire. Par exemple, le gouvernement italien a concrétisé la proposition controversée de création de «hubs de retour» en Albanie. Une initiative accueillie positivement par la Commission européenne, qui semble peu se soucier des conditions de détention et de l’instrumentalisation cynique de l’aide que l’UE pourrait apporter dans ces pays via l’aide au développement.
Pour la CSC, «ce pacte se centre principalement sur un mécanisme de relocalisation des demandeurs d’asile. À aucun moment le curseur n’est placé sur les mécanismes de régularisation ou de protection pour les travailleurs». En l’absence de voie de migration régulière, les migrants n’auront pas d’autre choix que d’emprunter de nouvelles routes irrégulières, avec les risques d’abus par des passeurs que cela implique.