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L'info n°2006/12/2024

«La réforme des droits d’enregistrement manque son objectif initial»

Dès le 1er janvier 2025, le taux des droits d’enregistrement applicable aux biens immobiliers destinés à devenir l’habitation propre et unique passera de 12,5% à 3% et le chèque habitat va disparaître. Pour Muriel Ruol, conseillère au service d’études de la CSC, cette réforme nécessaire se révèle malheureusement inéquitable en l’état.

Propos recueillis par David Morelli

Comment la CSC appréhende-t-elle cette réforme?

Avec un taux de 12,5%, bien supérieur à la moyenne européenne, une réforme des droits d’enregistrement était nécessaire. La CSC wallonne s’était positionnée sur cette matière en juin 2024. Elle préconisait une réduction des droits d’enregistrement, plafonnée et ciblée sur des publics pour qui l’accès à la propriété est devenu très difficile. Le problème de la réforme est qu’elle diminue les droits d’enregistrement de manière non ciblée et non plafonnée.

Les moyens proposés manquent donc l’objectif initial de soutenir l’accès à la propriété pour des catégories de personnes comme les jeunes ou les familles monoparentales. Les mesures en l’état favorisent surtout les hauts revenus et les biens immobiliers les plus coûteux, tant à long qu’à court terme. La réduction linéaire à 3% constitue une mesure qui est inéquitable, car elle impacte différemment les utilisateurs en fonction de leur profil et du type d’acquisition immobilière envisagée. Il est essentiel de mettre en place une mesure fiscale mieux ciblée et plafonnée, tant en ce qui concerne la valeur d’achat de l’habitation que les revenus des contribuables.

Les faibles revenus ne risquent-ils pas d’y perdre par rapport au chèque-habitat?

En juin 2024, la CSC s’était positionnée pour une réforme puis une sortie – progressive ­– du chèque habitat (CH). Cet outil est en effet de moins en moins pertinent du fait que, au moment de l’acquisition, les banques ne peuvent plus prêter 100% de la somme nécessaire à l’achat d’une propriété. De plus, il ne produit ses effets effectifs que deux ans après l’acquisition, ce qui bloque l’accès à la propriété à certaines catégories de population. Il est en outre discriminant pour les personnes isolées et les familles monoparentales, puisque celles-ci ne peuvent déduire le CH que sur une seule déclaration à l’IPP. C’est la raison pour laquelle la CSC wallonne avait formulé trois propositions.

Tout d’abord, le fait de multiplier par deux le montant du chèque-habitat en cas de personnes isolées ou de familles monoparentales. Une deuxième proposition était de majorer les plafonds préférentiels du chèque-habitat pour les personnes qui aménagent leur maison pour faire face au handicap, au vieillissement (pour se maintenir à domicile), etc. Enfin, la troisième proposition de la CSC wallonne visait à réorienter progressivement le budget du chèque-habitat vers des mesures d’abattement des droits d’enregistrement, qui constituent des aides immédiates à l’acquisition.

Il est clair qu’en l’état, la réforme actuelle – qui supprime purement et simplement le CH – ne bénéficiera qu’aux plus hauts revenus. On estime, à la grosse louche, qu’il faut acheter une maison de 500.000 euros en couple pour que la réforme soit avantageuse par rapport au CH.

N’y a-t-il pas un risque d’effet pervers sur les prix des habitations et des loyers?

La baisse des droits d’enregistrement pourrait en effet s’avérer contre-productive. Les prix de vente des habitations risquent fort de partir à la hausse, le vendeur intégrant que la capacité d’emprunt des ménages sera plus importante grâce à la baisse des taux. Une évaluation de l’impact réel de cette réforme dans cinq ans serait souhaitable.

Il est clair qu’en l’état, la réforme actuelle – qui supprime purement et simplement le CH – ne bénéficiera qu’aux plus hauts revenus.

Le coût de cette mesure est-il socialement acceptable?

Les objectifs d’un meilleur accès à la propriété de cette réforme sont partagés par la CSC. Mais, non ciblée, la mesure n’atteindra pas ses objectifs sociaux. Elle sera en outre très coûteuse pour la collectivité si elle n’est pas plafonnée. Budgétée à 480 millions d’euros, elle coûtera 250 millions à la collectivité dès 2025. Comment cela est-il financé? En n’indexant pas les points APE, en finançant moins les pouvoirs locaux, etc. On ne doit pas diminuer le financement des biens collectifs pour donner finalement un avantage aux plus aisés!


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