Lors du conflit Delhaize, certains juges avaient suivi les très nombreuses demandes (plus de 30) de la direction de la multinationale de mettre fin aux piquets de grève mis en place par les travailleuses et les travailleurs via des requêtes unilatérales. À l’avenir, grâce à un récent arrêt de la cour constitutionnelle, cela ne sera plus possible.
D. Mo.
En 2023, des mouvements de grève et des blocages de magasins avaient eu lieu dans les magasins Delhaize suite à l’annonce de la franchisation de 128 magasins. Suite à la saisie de la justice via une requête unilatérale – une procédure d’urgence non contradictoire, plusieurs piquets de grèves avaient été interdits, sous peine d’astreintes. Les trois syndicats ainsi que la Ligue des droits humains (LDH) avaient dénoncé cette atteinte inédite au droit de grève que constituait le recours aux requêtes unilatérales pour mettre fin à des piquets de grève pacifiques.
Le recours aux requêtes unilatérales devant respecter le droit à un procès équitable, des restrictions strictes s’appliquent pour pouvoir y avoir recours: elle ne peut être autorisée à titre exceptionnel qu’en cas d’absolue nécessité. La notion d’absolue nécessité recouvre les situations où une procédure unilatérale est nécessaire pour ménager un effet de surprise, celles où il est impossible d’identifier les personnes à charge desquelles la mesure doit être exécutée et les situations d’extrême urgence.
Delhaize estimait que ces restrictions étaient une limite à l’exercice de leur droit de propriété et donc qu’elles étaient inconstitutionnelles. Dans son arrêt rendu le 14 novembre dernier, la Cour constitutionnelle a estimé qu’il n’en était rien. En d’autres termes, les limites strictes imposées au recours aux requêtes unilatérales pour mettre fin à des piquets de grève pacifiques installés devant des magasins ne sont pas contraires à la Constitution.
Elle donne raison aux syndicats et à la LDH en rappelant que l’interprétation restrictive des conditions pour avoir recours à une requête unilatérale a précisément pour objectif de protéger l’exercice du droit de grève, même lorsque celui-ci consiste en le blocage pacifique de l’entrée de magasins. Le droit de grève ne constitue donc pas, une «cause d’absolue nécessité» justifiant de déroger au principe du contradictoire.
Si les syndicats et la LDH «regrettent que ce rappel important intervienne si tard», cette décision est bienvenue. «Plus aucun juge ne pourra accepter de requête unilatérale contre l’exercice pacifique du droit de grève, notamment dans les nombreuses procédures judiciaires encore en cours!», concluent-ils.
"Plus aucun juge ne pourra accepter de requête unilatérale contre l’exercice pacifique du droit de grève…"
© Roger Job