Le dossier icon

Le dossier

L'info n°1611/10/2024

Les allocations de chômage ne doivent pas être limitées dans le temps!

La CSC s’est toujours explicitement opposée à la limitation des allocations dans le temps. Elle constate le non-sens d’une telle mesure et analyse l’impact d’une telle mesure pour les demandeurs d’emploi.

David Morelli

La discussion relative à la limitation des allocations de chômage dans le temps est récurrente. Le principal argument avancé par la droite est que les gens ne retournent pas (assez rapidement) au travail. Cet argument est largement réfutable.Tout d’abord, limiter les allocations dans le temps ne stimule pas les gens à trouver un emploi: l’évaluation de l’Onem, basée sur le suivi de groupes de travailleurs, tend à montrer qu’un nombre important de personnes exclues (48%) ne trouve pas d’emploi lorsque leurs droits arrivent à échéance.

Ensuite, l’Onem fait également remarquer que la conjoncture économique joue un rôle décisif dans le retour au travail: ce chiffre n’était que de 30% lors de l’évaluation précédente. Même constat lors de l’évaluation de la dégressivité des allocations de chômage au cours de la période 2010-2020. «La fin des allocations d’insertion a entraîné une augmentation du nombre de demandes de revenu d’intégration. Cette tendance, encore bien plus marquée chez les demandeurs d’emploi de longue durée, est suivie par le basculement vers l’incapacité de travail», constatent Maarten Gerard et Juanita de Bihl, collaborateurs au service d’études de la CSC, qui ont analysé cette problématique.

Renforcement de la précarité

Autre constat: l’exclusion, en plus de renforcer la précarité, n’est pas cohérente avec l’objectif visé de remettre les gens au travail. «C’est une autre leçon de l’évaluation de l’Onem. On constate en effet qu’une part non négligeable des travailleurs qui ne trouvent pas d’emploi se trouve dans ce que l’Onem appelle une «position économique inconnue» (43%). Dès que ces personnes ne reçoivent plus d’allocations, elles peuvent rester inscrites auprès des instances régionales pour l’emploi mais leur situation fait l’objet d’un suivi moins rigoureux», rappellent-ils.

«Défendre la limitation dans le temps des allocations de chômage, c’est montrer une incapacité à formuler des propositions concrètes en matière de pouvoir d’achat ou de création d’emplois de qualité, explique Khadija Khourcha, responsable des Travailleurs sans emploi de la CSC. L’exclusion des allocations de chômage pour ceux et celles qui ont rempli toutes leurs obligations (étant donné que les autres ont déjà été exclus par l’activation) n’aidera pas à trouver du travail plus rapidement. Au contraire, en perdant ce statut de chômeur ou de chômeuse, la personne exclue des allocations perd un revenu, du lien social, des possibilités de formation…».

Manque d’investissement en matière de chômage

Les demandeurs d’emploi exclus devront s’adresser au CPAS. Ils seront donc moins bien orientés, et encore plus éloignés du marché du travail. En termes d’allocations, ils sont parfois provisoirement mieux lotis avec un revenu d’intégration qu’avec des allocations de chômage, en fonction de leur situation familiale. Pour Maarten Gerard et Juanita de Bihl, «cette réalité découle du manque d’investissement dans le domaine du chômage ces dernières années, ce qui contredit d’ailleurs les affirmations de certains partis de droite».

Il est utile de rappeler par ailleurs que la grande majorité des allocations minimales sont, aujourd’hui encore, en dessous du seuil de pauvreté (lire l’encart ci-contre). Pour la responsable des TSE, «les personnes sans emploi, comme tout un chacun, doivent être assurées d’avoir un revenu de remplacement suffisant et non se retrouver, du jour au lendemain, sans revenu. Les allocations de chômage doivent être revalorisées et représenter un vrai revenu de remplacement qui permette de vivre décemment. Il s’agit d’une assurance pilier pour tous les travailleurs et travailleuses.»

Affirmations vs. Réalité


«La Belgique est le seul pays doté d’un système d’allocations de chômage illimitées dans le temps»

Oui… Mais la Belgique dispose également d’un système de droits et d’obligations qui garantit le suivi des demandeurs d’emploi. Dans d’autres pays, les personnes confrontées à un chômage de longue durée relèvent tout simplement de l’assistance sociale. En outre, le montant des allocations belges est l’un des plus bas d’Europe.

«Le système ne stimule pas suffisamment l’emploi»

Le taux de chômage en Belgique est aujourd’hui historiquement bas, et la situation n’est pas pire que celle d’autres États. En Flandre, on peut même parler de quasi-plein-emploi. Le système de chômage en soi ne constitue donc pas un frein. Les personnes en chômage de longue durée sont globalement plus âgées et moins qualifiées. Il faudrait leur réserver les emplois qui correspondent à leur profil et en créer d’autres. Les besoins locaux ne manquent pas.

«Les sans-emplois gagnent plus en restant au chômage qu’en travaillant»

À l’exception des personnes ayant des salaires très bas ou qui ne trouvent que des emplois à temps partiels en ayant des personnes ou des enfants à leur charge, il est quasi toujours plus intéressant financièrement de travailler à partir d’un 3/5e ou d’un 4/5e temps. En outre, il faut aussi tenir compte des congés payés et des primes éventuelles.

Le risque de pauvreté en Belgique aujourd’hui

2.150.000 Belges, soit 18,6% de la population, courent un risque de pauvreté ou d’exclusion sociale (Source: Statbel, 2023). Les personnes qui courent ce risque se trouvent dans au moins une des situations suivantes:

  • Leur revenu disponible est inférieur au seuil de pauvreté. 12,3% de la population belge court ce risque, et environ un sixième de la population wallonne.
  • Elles vivent dans un ménage à faible intensité de travail. Cela concerne 10,5% de la population.
  • Elles sont en situation de privation matérielle et sociale sévère. Cela concerne 6,1% de la population.


* On observe une nette augmentation dans le groupe des travailleurs. En raison du report de l’indexation des salaires, une partie des travailleurs du secteur privé se trouvent sous le seuil de pauvreté, qui a augmenté, entre autres, à cause de l’indexation des allocations.


Source: Stabel, chiffres 2023 (revenues) 2022)