L'international icon

L'international

L'info n°1323/08/2024

EUROPEDroits des travailleurs: le modèle européen en danger

La Confédération syndicale internationale (CSI) a publié son classement annuel des droits dans le monde. C’est l’Europe qui enregistre le pire déclin.

David Morelli

Selon le nouveau rapport, l’attaque de Tesla contre la négociation collective relève d’une «tendance inquiétante»: l’érosion des droits des travailleurs serait plus rapide en Europe que dans toute autre région du monde. Le comportement de l’entreprise d’Elon Musk a en effet déclenché une grève historique dans son usine de Suède suite à son refus d’entamer une négociation collective. Cela constitue un exemple édifiant des violations du droit à négocier collectivement qui ont lieu dans plus de la moitié des pays européens.

Situation des droits des travailleurs en Europe et pourcentage de pays ayant violé le droit mentionné


Criminalisation de la grève en Belgique

Le droit de grève, quant à lui, est violé dans trois quarts de ces pays. La situation belge est mentionnée à ce sujet dans le rapport: «La criminalisation des grèves et la stigmatisation des grévistes en Belgique et en France, conjuguées à une définition excessivement étendue des services essentiels en vue de restreindre ou d’interdire les grèves (…) ont contribué à la détérioration générale de la situation dans la région».

Autre constat inquiétant: 41% des pays ont exclu des travailleurs du droit de constituer un syndicat ou de s’y affilier. «En Arménie et en Pologne, les employeurs se sont immiscés dans les élections syndicales, et des syndicats jaunes ont été créés, [entre autres] aux Pays-Bas pour empêcher les travailleurs d’être représentés par des syndicats indépendants».


Détérioration continue des droits

Les points qui précèdent, comme d’autres développés dans le rapport, témoignent d’une «détérioration continue» des droits des travailleurs en Europe, qui est maintenant la région du monde qui a connu le «pire déclin» en matière de droits depuis la première publication de l’indice en 2014.

En l’espace de dix ans, l’Europe est passée d’une note de 1,84 (violation sporadique des droits) à 2,73 (violation répétée des droits). Esther Lynch, secrétaire générale de la Confédération européenne des syndicats (CES), déclare à ce sujet que «cette dégradation continue indique que le modèle social européen “centré sur le travailleur” est activement démantelé par les gouvernements et les entreprises à un rythme qui s’accélère, ce qui entraîne de lourdes conséquences dans la région et risque de déclencher un nivellement par le bas à l’échelle mondiale pour les droits des travailleurs». Sur l’échelle établie par la CES, qui compte 5 catégories, notons que la Belgique a régressé, passant de la catégorie 1 en 2014 à la catégorie 2 en 2016. Depuis 2021, elle stagne dans la catégorie 3, qui concerne les «violations régulières des droits».

En l’espace de dix ans, l’Europe est passée d’une note de 1,84 (violation sporadique des droits) à 2,73 (violation répétée des droits).

Défendre notre modèle social

Dans ce contexte, la CES a appelé la nouvelle Commission à défendre et à promouvoir les droits des syndicats et des travailleurs, y compris le droit universel d’organisation, l’accès des syndicats aux lieux de travail, le droit à négocier collectivement et le droit de grève.

«Les résultats des élections européennes témoignent de la nécessité de défendre et de reconstruire notre modèle social, à commencer par exclure du bénéfice d’aides publiques les entreprises qui refusent de s’engager dans une négociation collective, développe la secrétaire générale. Il est essentiel de s’attaquer aux problèmes dénoncés dans le rapport en empêchant les entreprises qui ne respectent pas les droits des travailleurs, tels que la négociation collective, de bénéficier d’aides publiques», affirme la CES dans son rapport.




© ITUC / CSI