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L'info n°1824/10/2025

«Tout ce que vous avez fait compte pour du beurre»

Christian [prénom d’emprunt] a accumulé les réponses négatives à ses sollicitations d’emploi mais aussi les années de travail en agence locale pour l’emploi (ALE). Las, le 1er janvier, il va être exclu du chômage et ne pourra pas avoir accès aux allocations du CPAS.

Propos recueillis par David Morelli

J'ai d’abord travaillé comme peintre en bâtiment – ma formation - pendant deux ans sous contrat PTP. J'ai également fait de l'intérim dans le nettoyage de bâtiments sinistrés tout en continuant à chercher du travail. Mais, par la suite, les réponses négatives se sont accumulées et puis je n'ai plus vraiment reçu d'offres. J'ai commencé à galérer. À un moment, dans un tel contexte négatif, les recherches se font de manière de moins en moins intensives. Petit à petit, on perd espoir. Et aujourd’hui, à 46 ans, j'ai la sensation que mon âge aussi va commencer à jouer contre moi…

L’exclusion: un couperet…

En 2017, le Forem m'a parlé des agences locales pour l’emploi (ALE). J'ai commencé à faire du jardinage et des petits travaux de peinture… et j'en fais toujours à l'heure actuelle. L’ALE me fait du bien: on rencontre des gens, on apprend à les connaître, en allant travailler chez eux toutes les semaines. Ils sont très contents de mon travail. L’ALE me fait du bien. On se sent utile et on ne reste pas inactif. Parallèlement, je suis toujours dans le plan d'accompagnement du Forem mais les réponses restent négatives, ou mon profil n’est pas retenu. Mon exclusion le 1er janvier prochain tombe comme un couperet. Étant en allocation dégressive je ne touchais déjà plus qu’entre 600 et 700 euros par mois d’allocations. Avec la réforme, je n’aurai pas accès aux allocations du CPAS. J’espère que je pourrai quand continuer à faire les prestations ALE. Même si 4,10 euros de l’heure, c’est vraiment très peu, ce petit supplément permettait d’avoir un revenu un peu plus décent. Vu le temps qu’il me reste avant le 1er janvier, je préfère continuer à tenter un emploi plutôt qu’une formation pour les métiers en pénurie qui passe par des tests et dont les places sont limitées. Et pour les autres, souvent rémunérées 1 euro de l’heure, cela ne va pas mettre suffisamment du beurre dans les épinards.

...et un frein

Ma compagne m'a dit que je pouvais compter sur elle, mais je pense à cette situation dès que je me lève et une bonne partie de la journée. Je me ronge la santé. Je ressens cette exclusion comme une injustice. J’estime ne pas être resté inactif pendant vingt ans. J'ai travaillé chaque fois que je le pouvais. Je n’ai pas été récompensé dans mes efforts de recherche d’emploi. Le gouvernement n'a aucune considération pour nous. Avant de faire des réformes, il aurait fallu qu’il étudie ce qui ne fonctionne pas dans le monde du travail et ne pas nous mettre à tous la même étiquette. Il est devenu trop exigeant et, de ce fait, il y a beaucoup de freins pour ceux qui cherchent du travail. Cette exclusion, c’est un frein en plus. Au bout du compte, j'ai l'impression, avec le recul, de me faire exploiter en travaillant, depuis huit ans, pour 4,10 euros de l’heure, même si j’aime ce que je fais et que j’ai cœur à le faire. Mes clients trouvent cela injuste aussi pour moi, comme pour eux. Mais au bout du compte, avec cette exclusion, c'est comme si on nous disait “c'est bien beau ce que vous avez fait, mais ça compte pour du beurre”!

Ma compagne m'a dit que je pouvais compter sur elle, mais je pense à cette situation dès que je me lève et une bonne partie de la journée. Je me ronge la santé. Je ressens cette exclusion comme une injustice.

La plupart des témoignages de ce dossier ont été récoltés à l’occasion des séances d’information sur l’exclusion du chômage organisées par la CSC. Très loin de la caricature de chômeurs professionnels véhiculée par le ministre de l’Emploi, ils témoignent des obstacles (contrats et statut précaires, maladie, situation familiale…) qui les ont empêchés de sortir du statut de chômeur de longue durée, malgré leurs efforts… et leur travail.