La plupart des témoignages de ce dossier ont été récoltés à l’occasion des séances d’information sur l’exclusion du chômage organisées par la CSC. Très loin de la caricature de chômeurs professionnels véhiculée par le ministre de l’Emploi, ils témoignent des obstacles (contrats et statut précaires, maladie, situation familiale…) qui les ont empêchés de sortir du statut de chômeur de longue durée, malgré leurs efforts… et leur travail.
Bernard, 56 ans, va recevoir dans sa boîte aux lettres le fameux courrier lui annonçant son exclusion du chômage. Au-delà des inquiétudes financières, c’est l’image que le gouvernement renvoie des chômeurs qui lui est particulièrement pénible.
Propos recueillis par David Morelli
Après avoir été licencié en 2006, je me suis inscrit au chômage. J’ai tenté de développer l’activité complémentaire de formateur que j’avais débuté lorsque j’étais salarié. Après avoir suivi une formation à l'entrepreneuriat, le Forem m’a conventionné comme accompagnateur. Durant cette période, je suis donc toujours chômeur et je travaille au développement de mon activité tout en cherchant un emploi. Alors que j’allais me lancer comme indépendant complet et quitter le chômage, le covid a provoqué l’annulation des formations prévues et la fin du statut PTP - programme de transition professionnelle sous lequel j’évoluais. Depuis 4 ans, j'essaye de relancer autrement mon activité. Malgré toutes ces années de recherches, de travail et d’efforts, le gouvernement m’exclut du chômage en renvoyant l’image dévalorisante des chômeurs paresseux et profiteurs.
La plupart des employeurs n’ont pas répondu à mes courriers durant 20 ans. Alors, à 56 ans… Mon but, c’est d’essayer de trouver un mi-temps alimentaire pour essayer de continuer à développer mon activité en parallèle. Mais si je dois aller au CPAS, je ne sais pas si je pourrai continuer… cette pression financière ne va pas m’aider à trouver plus facilement un emploi. Je me sens sanctionné au lieu d’être aidé.
Après avoir été licencié en 2006, je me suis inscrit au chômage. J’ai tenté de développer l’activité complémentaire de formateur que j’avais débuté lorsque j’étais salarié.
Les gens ont de plus en plus besoin de donner du sens à leur vie. Ces mesures vont complètement à l'encontre de cela: obliger les gens à accepter n’importe quel emploi, sous la pression et la peur, ça ne crée pas des emplois où les gens restent. Cela va en contresens des accompagnements que j’ai réalisé pour diriger des jeunes, des personnes défavorisées, vers un emploi qui leur corresponde. Des participants retrouvaient suffisamment confiance en eux pour aller vers ce qu'ils aimaient. Certains m'ont déjà écrit pour me dire qu’avec ces sanctions, ils ont envie de laisser tomber.
Au niveau financier, c’est la peur qui domine évidemment. Je vis seul avec un loyer à payer et je me demande si mon propriétaire va encore vouloir de moi si je suis au CPAS. Pourtant, sans le CPAS, je ne pourrai pas payer mon loyer. Je n'ai pas d'argent de côté. Je ne sais pas où cette exclusion va me mener. J'espère trouver des solutions d’ici au 1er janvier mais je ne suis pas convaincu qu'en trois mois, je puisse faire quoi que ce soit. Sur le plan personnel, mon exclusion pourrait remettre en cause mon projet de cohabitation: en tant que cohabitant, je n’aurais plus du tout droit au CPAS. Ces mesures vont pousser les gens à rester isolés plutôt que de vivre en couple.
On se sent fort seul face à ces mesures. C’est pour cela que je me suis bougé pour aller voir ce qui se passait au niveau des syndicats et que j’ai participé à ma première réunion des TSE de la CSC. Constater que l’on n’est pas le seul à ressentir cette pression et pouvoir la partager, c’est positif.
© David Morelli