À peine l’année politique entamée, le Premier ministre annonce déjà de nouvelles mesures pour maintenir le déficit sous les 3% exigés par l’Europe. Le slogan «tout le monde doit faire des efforts» sert surtout à faire peser les sacrifices sur les plus faibles.
Maarten Gerard (adapt D.Mo.)
D’emblée, le budget était fragile et difficilement tenable. Des retours sur investissement irréalistes sont censés apporter le salut d’ici 2029, mais les chiffres ne tiennent déjà plus. Les vents économiques contraires, liés à la politique commerciale imprévisible des États-Unis et à la soudaine générosité du gouvernement envers la défense, ne peuvent plus être ignorés. Ils mettent à mal la fiction selon laquelle diminuer les revenus des citoyens et leur sécurité d’emploi stimulerait l’économie.
Selon les interlocuteurs, des économies supplémentaires de 8 à 10 milliards d’euros sont nécessaires pour maintenir le cap budgétaire. Le président du MR, Georges-Louis Bouchez, va jusqu’à proposer 20 milliards… Parmi les pistes évoquées: un saut d’index, une hausse du ticket modérateur, une croissance plus lente des dépenses de santé, un contrôle renforcé des malades de longue durée et une augmentation de la TVA.
Parallèlement, les décisions gouvernementales antérieures entraîneront d’ici 2029 une perte d’au moins 8 milliards de recettes. Au lieu de tailler dans les dépenses, il serait plus judicieux de s’intéresser au volet des recettes.
Dans son accord d’été, le gouvernement a présenté ses premières propositions de réforme du marché du travail – qu’il souhaite «flexibiliser» et de nouvelles mesures sur les pensions, visant à décourager financièrement le départ anticipé à la pension. Ces deux ensembles de mesures ont été soumis pour avis, respectivement au Conseil national du Travail (CNT) et à la direction du Service fédéral des Pensions (SfP). Les avis sont désormais rendus, et la balle est aujourd’hui dans le camp du gouvernement. L’avis du Conseil d’État sera rendu sur les deux dossiers d’ici à la fin de l’année.
Concernant les pensions, les employeurs soutiennent la position syndicale selon laquelle l’accord social sur les fins de carrière doit être respecté. Au-delà de ce point, aucun consensus n’a été trouvé.
Il est utile de pointer que le SfP estime que le train de mesures proposé est techniquement et juridiquement irréalisable à partir de janvier 2026. Mais la réflexion sur la faisabilité juridique et administrative ne semble plus être une priorité politique. Quelle que soit la décision prise, le chaos menace en 2026.
Les mesures présentées comportent trois volets principaux: un durcissement des conditions de travail, un malus pension et de nouvelles conditions d’accès à la pension anticipée (à lire dans L’Info n°15). Par exemple, la définition d’une année de carrière serait modifiée pour atteindre 156 jours travaillés ou assimilés, avec effet rétroactif. Cette rétroactivité va à l’encontre des principes de confiance et de sécurité juridique, rendant impossible pour les travailleurs toute anticipation correcte des conséquences des choix de carrière.
L’introduction d’un malus pension touche surtout les travailleurs à temps partiel, les femmes et ceux qui exercent des métiers pénibles. Partir à la retraite anticipée à 63 ans pourrait entraîner une perte allant jusqu’à 20% du montant de la pension. Ce malus s’ajoute à la correction pour carrière incomplète, transformant la retraite anticipée en produit de luxe. La correction pour maladie élaborée par le gouvernement est bâclée: les travailleurs qui reprennent progressivement après une maladie sont plus lourdement pénalisés que ceux qui restent en incapacité totale. De plus, la première année de carrière n’est pas correctement comptabilisée, ce qui décourage les jeunes de commencer à travailler rapidement.
Il reste également à définir la mesure relative à la limitation des assimilations. À partir de 2031, le gouvernement veut limiter le nombre de jours assimilés à 20% de la carrière. Les congés pour soins et les périodes de maladie seraient exclus. Parmi les 20% de revenus les plus faibles, 42% des travailleurs perdraient ainsi des droits à la pension. L’impact serait particulièrement fort pour les carrières précaires, les temps partiels et les malades de longue durée.
Au lieu de tailler dans les dépenses, il serait plus judicieux de s’intéresser au volet des recettes.
Les réformes prévues en matière de droit du travail (à lire dans L’Info n°15) sont actuellement soumises pour avis au CNT. Aucun consensus n’a été trouvé avec les employeurs. Certains points semblaient encore ouverts à compromis, mais le ministre de l’Emploi, David Clarinval (MR), a bloqué toute prolongation du délai d’avis, empêchant ainsi toute avancée.
Les syndicats ont donc dénoncé le démantèlement organisé par le gouvernement, les dispositions de cette loi réduisant la protection des travailleurs. Des mesures sont proposées concernant la durée minimale du travail et le travail de nuit (à lire dans L’Info n°15).
Par ailleurs, les employeurs souhaitent autoriser les heures supplémentaires volontaires sans repos compensatoire, à hauteur de 503 à 594 heures par an, tout en conservant les avantages fiscaux. Ils veulent aussi étendre les dérogations au travail de nuit à plusieurs commissions paritaires (202.01, 119, 100 et 200, 140.03 et 149.04), et contourner les syndicats pour instaurer le travail en soirée sans prestations de nuit.
Le ministre de l’Emploi propose en outre de réintroduire la période d’essai: le préavis serait limité à une semaine durant les six premiers mois. Les employeurs ne sont pas unanimes sur ce point, ce qui bloque l’avis. Enfin, la proposition d’annualiser le temps de travail, qualifiée d’aberration par la CSC, mérite à tout le moins un débat approfondi.
20%
du montant de la pension pourrait être perdu en prenant une retraite anticipée
Les employeurs refusent de respecter le cadre d’accord concernant le salaire minimum alors qu’une troisième augmentation de 35,70 euros brut, soit environ 50 euros net grâce au renforcement simultané de la prime fiscale à l’emploi.
L’extension du système des flexi-jobs a reçu un avis favorable et passe désormais en deuxième lecture. D’après les derniers chiffres, on compte déjà 180.000 flexi-jobers par trimestre (à lire en page 5). Bien que, pour le conseil d’État, le dispositif pourrait s’apparenter à une aide d’État, le cabinet Jambon continue à manœuvrer. L’incertitude quant à la reconduction des opt-out1 existants illustre le peu de respect que ce gouvernement accorde aux accords conclus dans des CCT.
Enfin, la loi sur la réintégration des malades de longue durée a été approuvée en deuxième lecture et est désormais soumise au Parlement. Les premières mesures de responsabilisation entreront en vigueur dès le 1er janvier, avec des compléments possibles lors du prochain cycle budgétaire.
1. L’opt-out permet à un secteur ou une commission paritaire de ne pas appliquer (en tout ou en partie) le système des flexi-jobs, NLDR.
© Bart Dewaele