Les médias de proximité constituent, depuis 50 ans, un maillon important de la diversité des médias. Leur réforme va rendre plus difficile la réalisation de leur mission d’éducation permanente.
Le secteur des médias de proximité vit une crise existentielle suite à la décision du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) d’en diminuer le nombre de 12 à 8 d’ici 2031, soit un média par province, à l’exception des provinces du Hainaut et de Liège qui en conserveraient deux du fait de leur poids démographique. Pablo Berckmans, délégué CSC et caméraman à TV Com et réalisateur pour TVLux, estime que le critère provincial nuirait à la couverture de l’information locale. «Les médias de proximité se sont créés non pas avec une carte géographique, mais naturellement, au fur et à mesure des années, par bassin de vie, rappelle-t-il. Ça fait cinquante ans qu’ils existent. Chacun d’entre eux connaît bien son bassin et a une proximité particulière avec les populations qu’il couvre».
Le contrat de gestion des médias de proximité prévoit, entre autres, la couverture des élections communales, un journal d’actualité de 15 minutes par jour ou encore un important nombre d’heures, définies annuellement, de sujets consacrés au développement culturel, à la stimulation du dialogue, au renforcement des liens sociaux, etc. «La ministre souhaite réduire de moitié nos missions, regrette Pablo Berckmans. Ça nous inquiète, car les productions qui concernent l’éducation permanente, le socioculturel ou encore l’inclusion sont l’ADN historique de nos missions. Elles nous intègrent et nous différentient dans une pluralité des médias qui ont chacun leurs spécificités. Si on réduit nos missions et ne produisons plus que de l’actualité, nous n’aurons plus aucune raison d’exister, puisque nous jouerons sur le même terrain que la RTBF, RTL ou la presse locale. Préserver notre ADN, c’est une question de survie dans un paysage médiatique qui n’a de sens que s’il reste pluraliste.»
Ces missions d’intérêt public n’étant pas spécialement «vendeuses» sur le plan publicitaire, les télévisions locales ont besoin de subsides, issus principalement de la FWB et des communes. Une importante enveloppe APE (aides à la promotion de l’emploi) finance également certains emplois. Dans l’optique d’une limitation à huit médias de proximité1, la réforme prévoit une diminution des subventions et un gel des subsides. «Comme nous sommes des ASBL de droit privé avec des missions de service public, la ministre ne dit pas comment on doit s’y prendre. On doit se débrouiller entre nous pour faire des synergies ou des fusions.» La coupe dans les subsides du réseau qui chapeautait les télévisions de proximité est également actée. L’avenir des 14 personnes y travaillant avec le statut APE est incertain, ces aides étant elles aussi mises à la diète dans le budget wallon 2026.
La ministre souhaite réduire de moitié nos missions. Ça nous inquiète, car les productions qui concernent l’éducation permanente, le socioculturel ou encore l’inclusion sont l’ADN historique de nos missions.
Il aura fallu attendre le mois de novembre pour que les représentants syndicaux du secteur soient enfin reçus par le cabinet de la ministre… tandis que celle-ci déposait son texte en deuxième lecture. «On voulait que cette fusion ou cette réorganisation se fasse dans la négociation. Ce mépris de la concertation tourne le dos à la transparence… et à l’esprit du service public», fustige M. Berckmans. La réforme continue pourtant à suivre son cours, malgré de sérieux doutes émis tant par les experts mandatés par la FWB que par la Société des journalistes et le Collège d’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel quant aux propositions pourtant déposées par la ministre.
1. En seconde lecture, la possibilité pour les médias fusionnés de créer des rédactions décentralisées a été évoquée, NDLR.
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