«Les décisions s’accumulent mais rien ne change sur le terrain»
La Cour du Travail confirme la décision de la Commission relation de travail relative à un chauffeur Uber, requalifiant celui-ci en tant que travailleur salarié. Cette décision fera-t-elle enfin bouger les choses sur le terrain?
D.Mo.
En décembre 2023, l’«arrêt Deliveroo» rendu par la Cour du Travail de Bruxelles décidait que les livreurs de la plateforme de livraison devaient être déclarés comme des travailleurs salariés.
Le 13 juin dernier, la cour a abouti aux mêmes conclusions concernant les travailleurs du service «taxi» de Uber, et requalifie la relation professionnelle d’un chauffeur Uber en relation de travail salariée.
En 2020, un chauffeur prestant pour Uber avait demandé à la Commission relation de travail (CRT) s’il était normal de prester comme indépendant pour Uber, alors qu’il lui semblait évident que la plateforme organisait et contrôlait son travail. Le chauffeur souhaitait obtenir une requalification en salarié afin de pouvoir bénéficier des droits sociaux et des droits du travail qui s’appliquent aux salariés: une rémunération correcte, un droit aux congés payés, à un salaire en cas de maladie, à la couverture prévue par la loi en cas d’accident du travail, etc. La CRT, chargée d’analyser la nature d’une relation professionnelle, lui avait alors donné raison. Mais la multinationale avait quant à elle refusé la jouissance des droits afférents à ce statut salarié, et avait saisi le tribunal du travail francophone de Bruxelles dans l’espoir d’une révocation de la décision de la CRT.
Après avoir eu gain de cause en première instance, Uber s’est vu débouté en appel par la Cour. Celle-ci a donc confirmé, ce 13 juin, la décision de la CRT et a donc requalifié le statut du plaignant en travailleur salarié. Reste maintenant à savoir si la multinationale va se pourvoir en cassation.
«Les décisions s’accumulent et vont maintenant toutes dans le même sens, celui de la requalification en salariés des travailleurs prestant pour les plateformes, tant de livraison de repas que de transport de personnes, se réjouit Martin Willems, responsable du service United Freelancers de la CSC. Reste maintenant aux autorités à les faire appliquer: malgré l’arrêt Deliveroo, rien n’a changé concrètement sur le terrain, les livreurs n’étant toujours pas salariés. Nous insistons régulièrement auprès de l’ONSS pour qu’elle étende ces décisions à l’ensemble des travailleurs concernés.»
Il reste maintenant à espérer que cet arrêt fasse jurisprudence pour l’ensemble des chauffeurs et livreurs qui travaillent dans les mêmes conditions. Espérons également que le gouvernement Arizona augmente, comme prévu dans son accord de gouvernement, «le nombre de contrôles sur les plateformes de l’économie collaborative et les plateformes numériques qui attribuent des missions mais (…)», parce qu’il y a malheureusement un «mais», «(…) aussi sur les travailleurs de ces plateformes». Ce possible contrôle sur les travailleurs n’a pas les faveurs de la CSC United Freelancers: en effet, elle estime «qu’ils sont déjà victimes des plateformes».
Il faut espérer
que cet arrêt
fasse jurisprudence.
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