La CSC constate une recrudescence de ruptures de contrat de travail d’un commun accord (RCCA). À l’analyse, il s’avère qu’il s’agit souvent de licenciements déguisés pour éviter de devoir payer les indemnités. Signer une RCCA est donc loin d’être sans risques.
Khadija Khourcha
La RCCA, aussi appelée «résiliation à l’amiable» ou «rupture conventionnelle» est une méthode où un employeur et un travailleur mettent ensemble fin au contrat de travail. Contrairement au licenciement, où seul l’employeur décide, ou à la démission, où seule la personne salariée décide, il s’agit d’un accord mutuel. Les deux parties définissent ensemble des conditions de la rupture: la date, l’indemnité…
Dans ce contexte, il est interdit de forcer, menacer ou manipuler l’autre partie ni de profiter d’une restructuration ou de vouloir contourner le droit du travail. Par exemple, un employeur ne peut pas proposer une RCCA pour éviter de payer les indemnités dues en cas de licenciement en le menaçant d’être licencié pour faute grave.
Le seul recours contre une RCCA déguisée est d’obtenir des témoignages de collègues qui attestent de la pression exercée sur la personne (pleurs, cris…), ce qui est quasiment impossible.
Il ne faut jamais signer une RCCA sans se faire assister par un délégué syndical ou une autre personne de son choix. En signant une RCCA, le travailleur renonce à son indemnité de rupture ou compensatoire de préavis (sauf si lors de la signature, il a été convenu d’octroyer un 13e mois, un congé payé, etc…) et à son droit au chômage. En effet, pour avoir droit aux allocations de chômage, il faut avoir perdu son emploi involontairement. La RCCA va entraîner un litige auprès de l’Onem. Dès lors, l’ex-travailleur sera convoqué pour s’expliquer sur sa perte d’emploi, avec un risque de sanction allant de 4 à 52 semaines sans allocations.
Pour avoir droit aux allocations de chômage, il faut avoir perdu son emploi involontairement.
«Je travaillais depuis huit ans dans une entreprise lorsque la cheffe, partie en pension, a été remplacée par une collègue. Celle-ci a modifié la répartition des tâches de façon inégale, en chargeant davantage ma barque et en ménageant certains. Lorsque je m’en suis plainte, la réponse a été directe: je me soumettais ou je partais. J’ai fini par tomber malade à cause des pressions et des injonctions paradoxales.
À mon retour, j’ai dû faire face au silence de toute l’équipe. Plus personne ne m’adressait la parole. J’en ai parlé en réunion d’équipe et on m’a répondu qu’on en parlerait en-dehors de la réunion pour ne pas la polluer. Je me suis présentée au rendez-vous: il y avait ma cheffe, ainsi que le chef du personnel. Ils m’ont accueillie avec un grand sourire, m’ont demandé comment j’allais et se sont montrés très avenants. Cela m’a émue, et pour me consoler, ils ont dit qu’ils voyaient bien que je n’étais pas bien, que le travail devenait difficile pour moi. Ils avaient une solution qui allait tout régler: on allait mettre fin au contrat de travail d’un commun accord. Je pourrais chercher autre chose qui me conviendrait mieux et en attendant, je serais au chômage. Je n’ai rien compris, mais je n’ai pas osé demander d’explications, soulagée de ne plus être sous la pression de leur violence. Quand je suis allée au syndicat pour mon chômage, j’ai appris que je risquais de me retrouver sans chômage…»