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L'info n°1311/07/2025

Personnalité juridique des syndicats: une proposition de loi inconstitutionnelle

La CSC a analysé la proposition de loi déposée par le MR visant à imposer la personnalité juridique aux syndicats. Comparée à un avis du Conseil d’État sur une proposition similaire, elle se révèle inconstitutionnelle. C’est d’ailleurs ce que vient de confirmer le conseil d’État en lui réservant une fin de non-recevoir.

David Morelli


Pour défendre le droit de grève, les syndicats s’opposent à ce qu’on leur impose une personnalité juridique.

En janvier dernier, le MR déposait une proposition de loi visant à imposer la personnalité juridique aux syndicats. Objectif affiché: garantir leur transparence et les responsabiliser quant à leurs actions au regard du droit civil et pénal. Bien entendu, le MR se défend de vouloir attaquer le droit de grève ou de manifester. Cette proposition de loi ne ciblerait que «les abus» pour lesquels il estime que, jusqu’à présent, «aucune responsabilité [n’est] assumée»1.

«En réalité, commente Alexis Fellahi, conseiller au service d’études de la CSC, elle vise à affaiblir la capacité d’action des organisations syndicales dans la défense des intérêts des travailleurs». Qui plus est, la proposition de loi traduisant cette volonté serait particulièrement problématique. En effet, en 2021, le Vlaams Belang (VB) avait déposé une proposition de loi similaire. Un avis du conseil d’État à ce sujet avait été catégorique: le texte était inconstitutionnel et violait les droits et libertés consacrées au niveau international. Pour Alexis Fellahi, «il y avait de grandes chances que le Conseil d’État rende un avis similaire au sujet de la proposition de loi MR». C’est en effet ce qui s’est passé: le 23 juin dernier, le conseil d’État a pointé dans son avis que la proposition du MR était contraire à plusieurs législations, belge et internationale, parmi lesquelles la constitution. Ces lacunes sont telles que le Conseil d’État a décidé de ne pas poursuivre l’examen de la proposition. Fin de non-recevoir donc pour la proposition du MR.

Intentions identiques

La mise en perspective des textes du MR et du VB témoigne d’intentions identiques. En les comparant, on constate que les deux propositions visent notamment à exclure les organisations syndicales de la possibilité de conclure des conventions collectives de travail (CCT) et de participer aux organes de concertation sociale si elles n’adoptent pas la personnalité juridique. Il ressort de cette comparaison que la proposition de loi MR constitue, comme celle du VB, à la fois une violation de la liberté syndicale et du droit à la négociation collective. «L’imposition de la personnalité juridique constitue une ingérence et une pression exercée qui ne sont pas compatibles avec la liberté de choix des organisations syndicales d’organiser leur gestion en toute autonomie et dans le respect des autres principes qui découlent de la liberté syndicale, explique le collaborateur du service d’études. La privation du droit de participer à la concertation sociale, que ce soit par la conclusion de CCT ou par la participation aux organes de concertation sociale au niveau sectoriel ou de l’entreprise, à défaut d’adoption de la personnalité juridique, constitue également une violation flagrante de la liberté syndicale et du droit à la négociation collective.»

Au terme de cette analyse de la proposition du MR, Alexis Fellahi concluait, à raison, que «la voie empruntée par le MR avait peu de chances d’aboutir». En appelant toutefois à la prudence, car «il faudra veiller à ce que des voies plus insidieuses ne soient pas explorées par l’Arizona pour affaiblir la capacité d’action des organisations syndicales. Ce qui est, au fond, l’objectif réel de ce genre de mesures».

Ce genre de mesures vise à affaiblir la capacité d’action des syndicats.


1. Source citation: Le Soir.


© Kristof Vadino