Le nouveau positionnement de la CSC wallonne à l’égard des ALE refaçonne l’architecture du dispositif, et clarifie son objectif d’insertion sociale.
Nicolas Vandenhemel
Nées en 1987, les agences locales pour l’emploi (ALE) n’ont plus le vent en poupe. Présentes dans 246 des 262 communes de la Région wallonne, elles semblent de plus en plus méconnues du grand public. Pourtant, à l’époque, leurs objectifs étaient louables: apporter un complément de revenu à des demandeurs d’emploi en leur permettant de prester dans une série d’activités ne concurrençant pas le marché du travail «classique».
Mais dans un contexte politique de plus en plus suspicieux à l’égard des demandeurs d’emploi, les maigres acquis du dispositif ALE ont progressivement fondu comme neige au soleil. Ainsi, les prestations ALE n’engendrent plus une dispense de recherche d’emploi, et le montant de ces prestations n’a plus été revu depuis fort longtemps… Dans ce contexte, le nombre de prestataires et d’heures prestées a dégringolé. Afin d’inverser la tendance, le Forem souhaite valoriser au maximum le passage en ALE en en faisant un véritable tremplin vers l’emploi, tout en essayant de séduire de nouveaux demandeurs d’emploi.
Face à toutes ces évolutions, et sur base, entre autres, des retours des mandataires CSC, présents au sein des conseils d’administration de chaque ALE, le comité régional wallon (CRW) de la CSC a adopté un nouveau positionnement à l’égard des ALE. L’occasion également de se positionner sur un vieux débat, en affirmant que la principale mission des ALE est de faire du lien social. Se basant notamment sur une étude du Forem qui démontrait, en 2019, que 43% des prestataires y prestaient depuis au moins cinq ans, le CRW estime en effet que les ALE ne devraient pas être un tremplin vers l’emploi.
Si tel est l’objectif recherché par le demandeur d’emploi, d’autres dispositifs existent en Région wallonne, comme l’économie (sociale) d’insertion, pour mieux y répondre. Afin de quand même proposer d’autres perspectives aux demandeurs d’emploi qui prestent en ALE depuis longtemps, la CSC wallonne propose qu’à partir de cinq ans de chômage, la proposition leur soit faite de rejoindre une initiative Territoires zéro chômeurs de longue durée, que la CSC wallonne voudrait voir concrétisés beaucoup plus massivement qu’actuellement.
Le Forem souhaite
faire du passage
en ALE un tremplin
vers l’emploi.
Reste la question des 67 ALE qui contiennent une section titres-services. Il est en effet parfois compliqué pour ces ALE d’atteindre une taille critique suffisante pour survivre. Or, une faillite de la section titres-services entraîne la faillite de l’entièreté de l’ALE. Malgré tout, ce modèle doit être défendu. En effet, la qualité de l’emploi y est comparativement meilleure, il y a relativement moins d’incapacités de travail, et la présence des organisations syndicales dans les conseils d’administration permet une meilleure vue sur la manière dont les travailleurs sont traités. Dans ce contexte, la CSC wallonne estime que les activités de titres-services devraient être clairement et juridiquement différenciées des activités ALE «classiques».
Dans la nouvelle architecture du dispositif esquissée par la position de la CSC wallonne, tant les activités «classiques» que les activités de titres-services des ALE seraient, à l’instar des initiatives Territoires zéro chômeurs de longue durée, placées sous le contrôle d’un comité de pilotage «emplois de proximité». Ce comité de pilotage, dont le rôle devient central, serait créé dès qu’il y a 15.000 habitants, ce qui engendrerait potentiellement des fusions d’ALE. Il serait, par ailleurs, géré de manière paritaire par les représentants du conseil communal et les interlocuteurs sociaux, en lieu et place des ALE actuelles.
La CSC wallonne rappelle par ailleurs certaines de ses revendications de longue date: la base volontaire des prestations en ALE, la revalorisation du montant des prestations à 6 euros (comme en Communauté germanophone), la valorisation des formations suivies par les prestataires, etc.
Elle conclut sa nouvelle position en jetant un pavé dans la mare. En effet, à l’heure actuelle, l’accueil extrascolaire est souvent réalisé, en région wallonne et en région bruxelloise (lire ci-dessous), par des prestataires ALE, payés… 4,10 euros de l’heure. Face à cette situation inacceptable, la CSC wallonne dresse un constat lourd et formule une revendication forte: «À certains égards, on peut parler d’un dumping social organisé (certes, faute de financements suffisants) par les pouvoirs publics. L’accueil extrascolaire doit être constitué de vrais emplois avec un véritable statut ».
© Shutterstock