Le dossier

L'info n°1907/11/2005

Budgets: le social

et la solidarité au régime

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Alors que le retard du budget fédéral pourrait faire se crasher le gouvernement*, les budgets de la Région wallonne et de la Fédération Wallonie-Bruxelles ont quant à eux atterri, avec à l’horizon des ceintures serrées et un avenir à la diète.

David Morelli

Budget wallon: sous l’équilibre budgétaire, le démantèlement social

L’annonce, le 20 octobre dernier, du budget de la Région wallonne pour 2026 confirme les craintes de la CSC quant à la trajectoire choisie par le gouvernement. Au total, les économies structurelles
annoncées atteindront 270,4 millions d’euros.

Daniel Cornesse

Pour la CSC wallonne, le gouverne­ment Azur (MR/Les Engagés) poursuit sa logique de démantèlement social, sous couvert d’équilibre bud­gétaire. «La Wallonie encaisse déjà 270 millions d’euros par an de per­tes liées aux mesures déjà prises au niveau fédéral, rappelle Daniel Cornesse, secrétaire national de la CSC wallonne et francophone. La limitation des alloca­ti­ons de chôma­ge, l’extension des flexi-jobs et le durcissement de la politique migratoire génèrent des coûts indirects majeurs pour la Wallonie: baisse des recettes fiscales, précarisation accrue, et pression sur les commu­nes et les services sociaux (à lire dans L’Info n°16)».


Daniel Cornesse

Désengagement et appauvrissement

La coupe de 100 millions d’euros dans les politiques d’emploi et de formation, dont 83,7 millions sur les aides à la promotion de l’emploi (APE) (voir encadré), constitue pour la CSC un désengagement préoccupant du soutien public à l’emploi. «C’est une attaque frontale contre les mécanismes de soutien aux emplois locaux et associatifs, dénonce Daniel Cornesse, qui jouent un rôle essentiel dans la cohésion sociale et le développement territorial. Cette orientation budgétaire fragilise les acteurs de terrain, affaiblit les politiques d’activation et compromet la capacité collective à répondre aux défis du chômage et de la précarité».
Ce budget poursuit également une logique d’appauvrissement des pouvoirs publics débutée en 2025 avec le gel de l’indexation des APE des pouvoirs publics et la poursuite du gel du 1% supplémentaire des pouvoirs locaux. À ces mesures, il faut ajouter cette année une réduction de la compensation des communes Plan Marshall (1). Le tissu associatif est également fragilisé, avec une baisse supplémentaire de budget de 8 millions d’euros.
Enfin, la santé et les familles seront moins soutenues: le recentrage des missions de l’Agence pour une vie de qualité (Aviq) et l’instauration d’un droit conditionnel aux allocations familiales pour les 18-25 ans (voir encadré) fait craindre le pire pour l’avenir de ce pilier essentiel de la solidarité.

Trajectoire d’un démantèlement

Avec un solde à financer de 2,015 milliards d’euros en 2026, le gouvernement wallon semble respecter, sur le papier, la trajectoire qu’il s’est lui-même fixée. «Pourtant, analyse Daniel Cornesse, cet équilibre apparent ne reflète pas une gestion rigoureuse des finances publiques, mais plutôt la nécessité de compenser par des coupes sociales sévères les cadeaux fiscaux octroyés aux plus favorisés. En renonçant à plus d’un milliard d’euros de recettes via les baisses des droits d’enregistrement (- 525 millions) et des droits de succession (- 680 millions) (2) d’ici 2029, le gouvernement Azur fait le choix de l’injustice fiscale. Ces mesures fiscales, ni ciblées ni plafonnées, bénéficient principalement aux ménages les plus aisés, tout en affaiblissant durablement les ressources régionales. Le gouvernement promet un retour à l’équilibre budgétaire d’ici dix ans, il le fait en renonçant à des recettes stables, creusant ainsi la dette au lieu de la contenir».

Enfin, la «transition juste» est elle aussi «mise à mal». Pour la CSC, les quelques annonces du budget 2026 en faveur de la biodiversité ou la simplification des procédures pour les infrastructures énergétiques futu­res ne suffisent pas à compenser le recul initié en début de législature avec l’abandon des investissements cruciaux pour la transition.

C’est une attaque frontale contre les mécanismes de soutien aux emplois locaux et associatifs, qui jouent un rôle essentiel dans la cohésion sociale…

Allocations familiales: conditionnées à partir de 18 ans

Pour les 18-25 ans, des conditi­ons devront être respectées pour continuer à recevoir les allocations familiales: être soit étudiant, soit en formation, soit engagé dans un parcours d’insertion socioprofessionnelle. Un jeune pourra, entre 18 et 25 ans, suspendre sa formation pendant un total de 12 mois tout en bénéficiant toujours des allocations familiales. Le plafond de revenus pour les familles monoparentales sera quant à lui relevé à 54.867 euros brut/an pour les enfants nés après le 1er janvier 2020.

Orientation anti-sociale

Pour la CSC wallonne, le budget 2026 confirme une orientation antisociale qui af­fai­blit les capacités d’action de la Wallonie, tout en renforçant les inégalités. Ces mesures annoncées con­­tribueront-elles à la croissance éco­nomi­que et à la création d’emplois? «Il faut espérer que la réforme des ai­des à l’embauche se traduise en création d’emploi net­te, et pas en un nouveau cadeau supplémentaire accordé aux entreprises. Nous appelons à un sursaut démocratique et à une révision profonde des priorités budgétaires, pour une Wallonie solidaire, durable et équitable», conclut Daniel Cornesse.

APE: késako?


Le secteur de l’emploi et de la formation est l’un des principaux secteurs concernés par les économies, avec 100,2 millions d’euros d’économies à réaliser, dont 83,7 millions d’euros via la réduction de l’enveloppe APE.

Le système d’aide à la promotion de l’emploi (APE) est une aide de la Wallonie, accordée sous la forme d’une subvention forfaitaire annuelle. Elle vise à permettre à des personnes éloignées du marché de l’emploi de retrouver du travail. Ce système prend la forme de «points» et subsidie notamment une partie de la rémunération des travailleurs et une réduction importante des cotisa­ti­ons patrona­les de sécurité sociale. Cette aide, devenue structurelle au fil du temps, a permis au secteur non marchand de se développer. Les secteurs des pouvoirs locaux, régionaux, pro­vinciaux et communautaires et l’enseignement bénéficient également, selon des mo­­dalités différentes, de ce budget wallon pour engager du personnel.
Le budget 2026 du gouvernement wallon maintient le gel de l’index­a­tion des APE débuté en 2025 et supprime les APE pour une série «d’employeurs» comme la Région wallonne, la Fédération Wallonie- Bruxelles, les zones de police et de secours, etc. La suppression de la possibilité pour les pouvoirs publics de bénéficier de travailleurs sous contrats APE fait craindre des pertes d’emploi.


(1) Ces compensations fiscales visent à compenser des réductions des recettes fiscales des communes et des provinces.
* L’Info a été bouclé avant la fin des négociations fédérales sur le budget.
(2) Chiffres de la Cour des comptes, septembre 2025.


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