Alors que le salaire des travailleurs reste bloqué, le gouvernement autorise désormais jusqu’à 15% de hausses de salaire pour plus de 2.000 PDG.
D.Mo.
Depuis juillet, le plafonnement des cotisations patronales sur la rémunération de base des plus hauts revenus a été fixé à 340.000 euros (268.000 euros/an dès 2027). Au-delà de ces sommes, plus aucune cotisation patronale ne sera due. Un tel plafond existait dans les années 80, mais avait été supprimé pour mettre les plus fortunés à contribution lors des économies budgétaires. L’objectif de ce plafonnement est de «maintenir la compétitivité de notre pays, y compris pour les emplois qualifiés hautement rémunérés». Cette mesure, prévue dans la Loi-programme publiée cet été, avait déjà fait l’objet de critiques, car elle réduit la contribution des plus fortunés à la sécurité sociale. Pourtant, selon une étude de la KULeuven, ils paient déjà deux fois moins d’impôts que la classe moyenne!
Selon une étude de la CSC Alimentation et Services (A&S), le cœur de cette mesure est d’autoriser des hausses de salaire allant jusqu’à +15% pour les PDG des grandes entreprises et d’autres très hauts salaires, alors que la Loi de compétitivité de 1996/2017 empêche les augmentations de salaires pour tous les autres travailleurs.
Le gouvernement Arizona va financer avec de l’argent public une hausse de salaire pour 2.000 PDG!
Pour rappel, la Loi de compétitivité plafonne les hausses de salaire possibles en Belgique afin qu’ils n’augmentent pas plus vite que dans les pays voisins. Pour la période 2023-2026, les hausses de salaire – y compris des PDG – sont interdites, au grand dam des syndicats. Or, cette loi prévoit une série d’exceptions, notamment lorsque les cotisations patronales diminuent. Dans ce cas et sous certaines conditions, les salaires peuvent alors être augmentés en guise de compensation.
Pour comprendre, prenons un exemple: le salaire moyen d’un PDG d’une très grosse entreprise est de 722.000 euros par an. Le plafonnement permettra à l’entreprise de payer 113.500 euros de cotisations patronales en moins. Le salaire du PDG pourra augmenter d’autant tout en restant conforme à la Loi de compétitivité (lire encart). Cette mesure bénéficiera, selon les calculs de la CSC A&S, à seuls 2.070 PDG. Elle coûtera 150 millions euros par an à la collectivité.
Pour Steve Rosseel, président de la CSC A&S: «Le gouvernement Arizona bloque les salaires pour tout le monde, mais il va financer avec de l’argent public jusqu’à 15% de hausse de salaire pour 2.070 PDG. Pour qui roule-t-il? Il faut autoriser les hausses de salaires bruts pour tout le monde. Il y a de l’argent. Nombre d’entreprises font des bénéfices!»
Dans la Loi de compétitivité, le blocage salarial porte sur les augmentations de coût salarial horaire moyen au niveau d’une entreprise, pas directement sur les augmentations individuelles. Par exemple, une hausse de salaire d’un travailleur est autorisée… si elle est compensée par une baisse de salaire d’un autre.
C’est précisément ce qui se fait ici: les réductions de cotisations patronales permettent de réduire le coût salarial moyen, ce qui, en cas d’augmentation du salaire du PDG du même montant, revient à garder un coût salarial moyen constant. Ainsi, des hausses de salaires pour le PDG sont possibles tout en se conformant à la Loi de compétitivité.
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